"On est dans une période où on ne tolère plus", souligne le comédien Antoine Reinartz

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 25 septembre 2024 : le comédien Antoine Reinartz. Il est à l’affiche d’une nouvelle série "La Maison", sur les coulisses du monde de la haute couture, avec Lambert Wilson et Carole Bouquet.
Article rédigé par franceinfo, Elodie Suigo
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Antoine Reinartz lors de l'événement Les Arcs film festival, aux Arcs 1950, dans les Alpes, le 18 décembre 2023. (FRANCK CASTEL  / MAXPPP)

Antoine Reinartz est un acteur césarisé en 2018 dans la catégorie Meilleur acteur dans un second rôle pour son interprétation dans le film 120 Battements par minute de Robin Campillo. On le voit un peu partout sur grand écran, avec des rôles et des interprétations remarquées, par exemple en 2019, dans La vie scolaire de Medhi Idir et Grand Corps Malade, Alice et le Maire de Nicolas Pariser ou encore dans Anatomie d'une chute de Justine Triet en 2023 avec un rôle puissant d'avocat général. Sur scène, on l’a vu aussi avec La Ménagerie de verre de Tennessee Williams, à la télévision dans la série Nona et ses filles de Valérie Donzelli. Depuis le 20 septembre, il est à l’affiche d’une nouvelle série sur AppleTV+, La Maison.

franceinfo : Dans cette série en dix épisodes qui nous plonge dans les coulisses d'une grande maison de haute couture, vous interprétez le rôle du neveu du créateur, Vincent Ledu, incarné par Lambert Wilson. C'est un regard finalement sur une dynastie à la tête d'un empire. On a l'impression que tout est très solide et finalement, tout est très friable.

Antoine Reinartz : On se rend compte qu'effectivement, ces grandes maisons de couture qui sont centenaires ne tiennent à rien. Enfin, il y a un mauvais buzz et elles s'effondrent. Il y a donc quelque chose de très tendu de leur part de comment survivre, se réinventer en permanence. Je peux parler de mon rôle, c'est vrai que c'est un héritier et c'est très dur de se construire dans ce monde-là. Alors il y a une aisance financière, pas de problème d'argent, mais le fait d'être héritier prend une énorme part dans ce qu'il est et dans le fait que les gens viennent le voir. On vient essentiellement le voir pour cette raison.

Ce qui est fou, c'est qu'effectivement dans le mot "héritier", on aurait pu rajouter "digne", mais on ne sait pas où mettre ce mot. Est-ce le digne héritier ou est-ce qu'il est un héritier digne ou indigne ?

C'est ce qui m'intéressait. C'est hyper dur de se construire malgré tout là-dedans. Il est né dedans, il connaît la couture comme sa poche, les codes, il pourrait en faire. Et en même temps, comme on est héritier, comme il est fils de, c'est dur pour lui de savoir là où il a du mérite. Même s'il fait quelque chose, comment se dire : "je mérite, j'ai mérité, j'ai réussi" puisque de toute façon, c'était la moindre des choses vue d'où il venait. Et par contre, quand il y a un échec, c'est impossible.

"L’échec normalement fait partie de notre construction dans une carrière, mais pour mon personnage, lui qui a eu une chance que les autres n'ont pas eue, s'il y a un échec, il dégage."

Antoine Reinartz

à franceinfo

Et il y a aussi cet aspect mis au goût du jour, la puissance des réseaux sociaux et l'importance de faire évoluer tout ça. Du jour au lendemain, on peut ne plus rien être.

Ce que j'aimais aussi dans cette série, c'est sa modernité sur comment on vit aujourd'hui avec les réseaux sociaux et comment c'est d'une violence absolue, très réducteur, peu nuancé et violent pour tout le monde.

Et à quel point, une parole peut être reprise parce que c'est le cas du créateur, il s'exprime à un moment donné, en privé, c'est capté par quelqu'un, ça finit sur les réseaux sociaux, et cela ruine sa carrière.

C'est ce qu'il dit et je trouve cela assez beau, c'est qu'effectivement, il y a eu des périodes où il aurait dit la même chose sur le plateau d'Ardisson, pendant une semaine, on en parlait etc... Mais tout le monde ne le voyait pas, ça ne tournait pas en boucle. On est dans une période où on ne tolère plus. Parfois, c'est pour le mieux, mais parfois, on est très dur avec les gens qui ont un peu de pouvoir ou un endroit de pouvoir. Je pense que ce n'est pas facile d'avoir du pouvoir aujourd'hui.

On parle d'héritage. Vous, vous avez quitté la maison à 15 ans pour intégrer le Conservatoire. De qui avez-vous hérité cette envie de devenir comédien et comment est-ce venu ?

Il y a deux choses. Je me suis abonné à Studio Magazine à 12 ans, j'étais fan. Je crois que c'était aussi une façon de parler avec mes parents, leurs amis, d'entrer dans le monde des adultes. J'avais 12 ans, mais comme j'étais hyper pointu sur tout ça, quand je parlais avec eux. Il y avait comme un rapport d'égalité. Et par ailleurs, depuis tout petit, je faisais des sketchs dans ma classe de CM1 qui pouvaient être assez médiocres, mais j'aimais faire rire. Je me montrais.

"Petit, après chaque récréation, on faisait des sketchs à quatre. Mon institutrice m'encourageait. J’éprouvais vraiment un plaisir, quelque chose de très intuitif à être sur scène, au théâtre et quelque chose de très puissant en termes de spectateurs de cinéma."

Antoine Reinartz

à franceinfo

Il y a toujours une dimension sociale dans vos films. Vous avez étudié la solidarité, vous avez soutenu des personnes qui étaient en prison. Est-ce important pour vous de garder cette dimension-là, ce lien avec la vraie vie ?

C'est vrai que je ne suis pas dans un cinéma. J'ai l'impression qu'on est dans un monde moins nuancé, où plus les paroles des uns seront simplistes, plus en face, on a envie d'être simpliste et où tout ça peut nous amener vers quelque chose d'un peu moins riche.

Là, il y a dix épisodes. À votre avis, y aura-t-il une deuxième saison ?

J'espère, parce qu’en fait, ils ont déjà commencé à écrire et je sais ce qui m'arrive dans la saison 2. Donc j'ai vraiment très envie qu’il y ait une saison 2 parce que ce qui m'arrive va être hyper kiffant !

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