Son éviction des Gipsy Kings, l'assassinat par erreur de son frère par le Mossad, le nouvel album de Chico and the Gypsies : les confidences de Chico Bouchikhi
Chico Bouchikhi est guitariste, membre fondateur et compositeur des Gipsy Kings, groupe qui a permis au flamenco d'avoir une audience mondiale avec des titres comme Bamboléo et Djobi Djoba en 1987. En 1991, il est évincé du groupe et décide de créer le sien, Chico & les Gypsies, en 1992. En mars 2023, Chico & les Gypsies ont sorti un nouvel album, Otro Camino, et seront en concert cet été à travers la France.
franceinfo : Otro camino comprend 12 titres originaux et une reprise du titre Stand by Me pour un réel retour aux sources. Est-ce que c'est une invitation au voyage ?
Chico : Complètement. On invite à prendre un chemin musical qu'on adore depuis toutes ces années. Vous imaginez le bonheur dans lequel on vit ? Mais c'est une invitation. On dit simplement : "Profitez, venez avec nous, on va partager des belles émotions".
Que représente Otro camino pour vous ? On a l'impression qu'il a une petite saveur particulière celui-ci...
C'est un retour à l'ADN de notre musique, je dirais de l'époque Gipsy Kings. Il y a cette âme qui est vraiment profonde. On a trois chanteurs avec des voix magnifiques, qui sont complètement différentes. Cela faisait longtemps qu'on n'avait pas fait un album de compositions et là, on est vraiment très fiers de l'avoir, de le défendre et de le partager aujourd'hui.
Vous êtes né à Arles d'un père marocain et d'une mère algérienne. C'est dans le quartier HLM que vous avez grandi, que vous avez passé votre enfance. Vous y rencontrez la famille Reyes. C'est à ce moment-là que vous vous mettez à aimer la musique ?
Il y avait une grande bande-son à la maison. Mon frère aîné me ramenait des albums. Il voyageait beaucoup, aux États-Unis, de partout ! Le blues, le rock, la musique classique... J'étais déjà enrichi par cette culture musicale très large. Et puis cet apport des uns et des autres quand j'ai rencontré la famille Reyes a fait que quelque part, on a réussi à faire un style musical qui était le 'gipsy rock', je l'appelais un peu comme ça, parce qu'il y avait dans la main gauche le flamenco et dans la main droite, il y avait toute l'énergie du rock et c'est ça qui nous a porté bonheur pendant très longtemps.
Vous avez été touché par un drame énorme : votre frère a été assassiné par le Mossad, confondu avec Ali Hassan Salameh, l’homme à la tête du commando de la prise d’otages des Jeux olympiques de Munich en 1972 . Comment avez-vous vécu ce drame ?
"Après l’assassinat par erreur de mon frère par le Mossad, la musique a été presque une voie de secours."
Chico, du groupe Chico & les Gypsiesà franceinfo
Pour moi, la musique a été énorme. Mais pour notre famille, vous imaginez bien que ça a été une tragédie incroyable. J'étais très jeune, 19 ans, et c'était en plus une méprise du Mossad, le service secret israélien, le plus réputé dans le monde entier. Faire une bavure comme ça, c'était énorme. Et mon frère qui représentait tout pour moi... C'est lui qui m'a offert ma première guitare. J'ai fait mon chemin musical avec cette première guitare et la famille Reyes. Et finalement, elle m'a permis de me retrouver pour le premier anniversaire du traité de paix à Oslo et de serrer les mains de Shimon Peres et Yasser Arafat qui, de par leur fonction, représentaient ce pourquoi mon frère avait été assassiné.
Comment avez-vous vécu ce moment d'être présent alors qu'ils avaient fait appel dans un premier temps aux Gipsy Kings ?
Ça fait partie de mon destin. C'est ma vie voilà. C'est le destin qui vous montre la voie où il faut aller. J'étais très ému parce qu'en plus, un de mes frères m'a accompagné et qui a pris une photo de Shimon Peres, Yasser Arafat et moi quand ils sont montés sur scène pour nous remercier. C'était extraordinaire. On était les seuls à connaître cette histoire, même l'Unesco n'en savait rien à ce moment-là. Je pense que ça a été un signe du destin.
Est-ce que le Mossad s'est excusé ?
Jamais. La seule chose que j'aurais aimée, c'est que mes parents et surtout ma mère de son vivant, entendent au moins des excuses. Imaginez dans la vie, vous bousculez quelqu'un et vous vous excusez, alors imaginez-vous assassinez quelqu'un comme ça pour rien…
En 1991, vous allez être évincé de ce groupe. Comment l'avez-vous vécu ?
Mal. Il faut savoir que quand on m'évince, c'est simplement parce que je demande des comptes au producteur qui ne correspondent pas à la réalité du succès qu'on a dans le monde entier. Il sera condamné. Et je demande des comptes pour le groupe. Eh bien, c'était une trahison. Ça a été compliqué et deux mois après, je perds mon père donc c'était vraiment une époque difficile.
Vous avez décidé de ne pas vous laisser faire et de reprendre votre vie en main. Rapidement vont naître Chico & les Gypsies. C'est aussi une victoire sur la vie ?
"Après mon évincement des Gipsy Kings, c'est le public qui m'a demandé de rejouer."
Chico, du groupe Chico & les Gypsiesà franceinfo
Quand j'allais dans une boulangerie, que je prenais l'autoroute ou l'avion, tout le monde me demandait : "Mais pourquoi vous avez arrêté ? C'est vous qu'on aimait !" Alors un jour, je me suis posé la question et je me suis dit : mais c'est double peine alors ! Franchement, je ne voulais plus jouer, ça m'avait fait très mal quand même. Et puis j'ai monté Chico & les Gypsies et l'aventure a continué. J'ai fait des dizaines d'albums, des milliers de concerts dans le monde entier, et ce, jusqu'à aujourd'hui ! Ce n'est que du bonheur.
Chico & les Gypsies seront le 19 juillet 2023 à Patrimonio, le 4 août à Courlans et le 11 décembre au Casino de Paris.
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