Théâtre : "L'émerveillement est un sentiment précieux" confie Stéphane de Groodt, auteur et acteur comblé dans "Un léger doute"
Le comédien, réalisateur et humoriste, Stéphane de Groodt, est sans conteste l'un des descendants cachés du célèbre dramaturge et maître de l'absurde Eugène Ionesco. Il a un humour tendre et décalé, une rhétorique bien à lui, avec les yeux rivés vers le ciel. Le théâtre lui est totalement tombé dessus au point de mettre les deux pieds sur le frein, de poser son casque et sa combinaison de pilote de course pour changer de voie. On pourra découvrir cette facette de lui dans un documentaire diffusé le 21 septembre sur Canal +. Et à partir du 29 septembre, il sera sur la scène du théâtre de la Renaissance à Paris dans une pièce dont il est l'auteur : "Un léger doute".
franceinfo : Vous remettez le casque le temps d'un documentaire.
Stéphane de Groodt : Oui. Ca s'intitule De la piste aux étoiles..., où je me suis mis en tête de rouler dans la F1 actuelle d'Esteban Ocon. Ce documentaire porte sur mon entraînement, tout ce qu'il y a eu en amont avant de rouler dans cette voiture à Monza. Et la morale de cette histoire, c'est qu'il n'y a pas d'âge pour réaliser le rêve de sa vie.
Aujourd'hui, vous confirmez que ce choix de quitter les pistes a été le bon avec la comédie "Un léger doute" que vous avez écrite. Que devient un acteur ou une comédienne lorsqu'il n'y a plus de public pour faire vivre leur personnage ? Lorsque le rideau se lève, comment savoir si ce que l'on voit n'est qu'une comédie ou si la vie reprend ses droits ? Cette pièce mêle la réalité et la fiction. Raconte-t-elle les questions que vous vous posez et n'était pas finalement une immersion dans votre tête ?
Bienvenue dans ma tête ! Oui, j'essaie de traduire effectivement ce qui m'animait par rapport à la perception des choses, qui sommes-nous s'il n'y a personne pour nous regarder ? C'est l'autre qui vous conditionne. J'ai amené ce sujet sur le terrain du théâtre. Effectivement, je rentre en scène en tant que Stéphane de Groodt, parce que pour moi, la pièce est terminée et quand Constance Dollé, ma partenaire, me voit débarquer mon casque à la main, prêt à partir, elle ne comprend pas très bien parce que pour elle, le public est là, elle est prête à rejouer la pièce alors que pour moi, il n'y a plus personne et je vais rentrer à la maison. Donc, qui a tort ? Qui a raison ? C'est effectivement le léger doute de la perception des choses. Donc j'essaie, à travers les éléments de comédie, de me poser toutes ces questions qui m'animent beaucoup au quotidien.
Le doute fait-il partie intégrante de votre vie ?
J'espère qu'il fait partie intégrante de nos vies ! Avoir des certitudes, c'est ne pas se remettre en question, c'est être figé. Et donc c'est bien d'avoir un sentiment qui évolue, des avis qui évoluent, de douter, de réinventer. Pour moi, c'est essentiel. C'est la nature même de la création, de l'inventivité, de la vie tout court.
"Une fois qu'on a des certitudes sur tout, je pense qu'on est déjà très, très vieux."
Stéphane de Groodtà franceinfo
Donc le doute permet de rester vivant ?
Oui, la vie n'est que mouvement et le doute nous permet d'être en mouvement puisqu'on veut aller voir ce qu'il y a derrière une question, quelqu'un, un propos, une chose.
Ce qui est étonnant, c'est qu'habituellement le doute bloque l'écriture pour beaucoup d'artistes et on a l'impression que pour vous, c'est la nourriture qui vous permet d'écrire ?
J'adore Sylvain Tesson qui dit :"Il ne faut pas être inspiré pour écrire, mais il faut écrire pour que l'inspiration vienne à un moment donné", donc il faut faire les choses et puis, elles finissent par venir à nous.
Enfant, vous étiez dyslexique. Vous avez vraiment eu une scolarité compliquée. C'est quand même une belle victoire sur la vie d'être aujourd'hui l'auteur d'une pièce de théâtre.
Je m'émerveille de ça tous les jours. Quand j'ai fait mon premier livre, ma mère, qui attendait un diplôme de l'étudiant, que j'étais... Que je n'étais pas d'ailleurs ! Quand j'ai amené mon bouquin, c'était pour moi mon diplôme. Quand j'ai reçu le prix Raymond Devos, par rapport à ce que j'ai pu écrire, j'hallucinais complètement parce que j'avais l'impression d'être un véritable imposteur. J'ai toujours été surpris par ça. Quand j'ai écrit le mot "fin" de ma pièce, j'étais très surpris d'être parvenu à écrire une pièce de théâtre. Quand la pièce a été embarquée par le théâtre de la Renaissance, je me suis pincé à nouveau en me disant : mais ma pièce va être jouée dans un grand théâtre parisien ! Quand j'ai vu les affiches dans Paris, je m'arrêtais presque au pied de chaque colonne Morris en me disant : c'est ma pièce qui est là... Je vous en parle et je suis hyper ému en fait. Et puis, quand les comédiens m'ont donné leur accord pour jouer, Constance Dollé, Bérangère McNeese, Eric Elmosnino que j'admire par-dessus tout comme comédiens de théâtre, qui acceptent de prendre ma pièce et de la sublimer... Même maintenant, je suis presque un spectateur de ce qui se passe. Je suis émerveillé. Si je ne doutais pas, je ne serais pas émerveillé et l'émerveillement, est quand même un sentiment assez précieux, même à mon grand âge.
Vous avez donc les pieds sur terre et pourtant, c'est votre imagination qui semble vous avoir sauvé.
Oui, je crois que l'imagination sauve tout le monde parce qu'on se libère de quelque chose. On s'autorise à penser des choses auxquelles votre éducation, votre environnement social, enfin tout ce qu'on peut imaginer comme barrières vous empêchent de penser.
"L'imaginaire, c'est reprendre possession de soi. C'est de se dire que tout est possible. Et tout est vraiment possible. C'est précieux."
Stéphane de Groodtà franceinfo
Vous semblez ne jamais être rassasié ?
Non, j'ai toujours faim parce que je suis hyper curieux. Je suis très gourmand de tout, de la vie, de ce qu'on peut faire, de ce qu'on peut manger. Pour le moment en tout cas, je suis rassasié de pas grand-chose.
Vous avez peut-être beaucoup de doutes, mais j'ai l'impression que vous êtes convaincu par une seule chose, c'est que le théâtre, c'est votre vie et que cela devait l'être.
C'est vrai que quand je compare mon métier d'avant, pilote de course, et ce métier d'aujourd'hui, je le compare au théâtre et pas au cinéma. Les tribunes, pour moi, c'est comme le public dans la salle, je vais vivre des émotions folles quand le rideau va se lever, j'ai une montée d'adrénaline terrible. Sur un départ de course, c'est pareil, on ne triche pas et au théâtre, on ne triche pas non plus. Ce qui est absolument merveilleux, c'est qu'on a un contact direct avec le public. Il y a une noblesse dans le théâtre qui m'anime complètement. J'ai le souci de l'autre avec cette pièce. Elle représente aussi un exercice qui est de ne pas se mettre en scène soi-même. Et le fait d'écrire pour les autres, c'est très gratifiant.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.