"Une chute, c'est toujours intéressant à partir du moment où on arrive à s'en relever": Stéphane Guillon se livre dans une autobiographie

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Jeudi 5 septembre 2024 : l’humoriste et comédien, Stéphane Guillon. Il publie "Fini de rire" aux éditions Albin Michel.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Stephane Guillon au Festival du film francophone d'Angoulême, le 26 aout 2022. (JAAK MOINEAU / HANS LUCAS)

Stéphane Guillon est humoriste, acteur et chroniqueur. Un homme qui aime faire rire en s'attaquant à des sujets sensibles, brûlants, ce qui lui a parfois valu de se faire virer ou d'emprunter la porte lui-même. C'est le théâtre qui lui a permis de s'épanouir et de trouver son chemin. Aujourd'hui, Stéphane Guillon publie Fini de rire aux éditions Albin Michel. Encore une fois, il n'est pas là où on l'attendait. La première fois qu'il a parlé de lui, c'était sur scène. Là, c'est la première fois qu'il parle de lui dans un livre.

franceinfo : Fini de rire est un livre assez bluffant. Je vais citer l'une des premières phrases que vous écrivez de Gustave Flaubert : "Je suis doué d'une sensibilité absurde, ce qui érafle les autres me déchire". Est-ce difficile de parler de ses émotions, de ses sentiments ?

Stéphane Guillon : Je suis quelqu'un de très pudique. Effectivement, écrire ce livre m'a posé problème et je suis en plus issu d'une famille de taiseux.

"Je ne suis pas d'une famille où on exprime ses sentiments et en même temps j'ai trouvé le prisme du rire pour le faire."

Stéphane Guillon

à franceinfo

Je me suis dit que raconter ma vie n'intéressait personne en soi, je n'ai pas inventé le vaccin contre le paludisme, en revanche, je me suis dit que la raconter en faisant rire le lecteur, en pratiquant cet humour juif que j'affectionne tant, rire de ses malheurs, là, tout d'un coup, le fait de me raconter se légitimait.

Vous êtes vraiment tout nu dans ce livre, réellement. Vous démarrez sur quelque chose de très intime, sur une rupture avec cette femme qui vous annonce que c'est terminé, un coup par WhatsApp, un coup par mail. C'était aussi le but de montrer que vous étiez un peu comme tout le monde malgré votre carapace ? Vous apparaissiez indestructible.

Oui, on me l'a souvent dit. Des personnes qui m'ont suivi dans cette période qui était très compliquée pour moi m'ont dit : "Mais comment quelqu'un qui a l'habitude de porter le fer... Comment finalement cette force que tu avais dans ton métier, tu n'as pas été capable de l'avoir dans ta vie personnelle ?" Finalement, je me suis aperçu qu'il y a des gens très forts dans la vie, dans leur vie professionnelle, qui ne le sont pas du tout dans leur vie affective. Je viens de terminer un livre sur la vie de John-John Kennedy, le fils du président, et on s'aperçoit que cet homme qui avait tout pour lui, était un petit garçon dans sa vie sentimentale, totalement désarmé. Et ça, c'est quelque chose que je trouve intéressant.

On découvre qui vous êtes à travers le petit garçon que vous étiez. Vous dites : "L'école, pour moi, c'était synonyme de torture" et vous allez rencontrer une maîtresse qui va un peu changer votre vie. Est-ce important de montrer que, par moments, même si on a l'impression que tout est bouché, il y a des êtres qui vous permettent de découvrir qui vous êtes ?

Oui. Pour ma part, ça a été essentiellement des femmes. J'ai vraiment été élevé par des femmes, j'ai grandi par des femmes, avec des femmes. Je commence le livre avec ma mère, le premier amour de ma vie. Mademoiselle Garsolino qui était ma maîtresse de maternelle et puis après les femmes qui ont partagé ma vie.

Et vous étiez amoureux d'ailleurs de la maîtresse et de la maman !

Je vois que cela ne vous a pas échappé ! J'ai passé ma vie à être amoureux !

C'est cet homme qu'on découvre dans ce livre. Ça fait du bien, cela libère ?

Oui, mais enfin, l'idée n'est pas que de me libérer. Un jour, j'ai rencontré une psychologue. Ce n'était pas la mienne. On était dans une soirée et elle voyait que je n'allais pas bien. On a commencé à parler et je lui ai dit : mais par rapport à tous les cas que vous avez, vous, ça doit vous paraître dérisoire, un chagrin d'amour. Et elle m'a répondu : "Détrompez-vous, la souffrance humaine, je la côtoie depuis effectivement des dizaines d'années et la plus grande pour moi, c'est le chagrin d'amour". Et c'est vrai qu'on se sent très seul, très démuni. On s'en veut de souffrir et finalement ça peut arriver à n'importe qui, à n'importe quel moment de ta vie.

"Moi je pensais que j'étais sorti d'affaire, que ce genre d'amour d'adolescent n'était plus pour moi et j'y suis retourné."

Stéphane Guillon

à franceinfo

J'ai l'impression que ce livre ouvre une autre histoire. Quelle est la suite alors ?

J'ai moins envie de me confronter aux événements et de porter le fer. Je l'ai longtemps fait. Je ne me suis pas fait que des amis, mais c'est vrai que cet événement m'a changé. Je me suis, à un moment donné, réellement senti en danger. J'ai quatre enfants et je me suis dit : mais tu ne peux pas te laisser aller et mourir alors que tu as des enfants, des responsabilités, un travail. Il y a des moments où j'ai envie parce que finalement, moi ce qui me porte, c'est l'indignation. Je suis quelqu'un d'indigné et je transforme mon indignation en rire. Mais en ce moment, c'est vrai que parfois je prends mon indignation et je la mets de côté en me disant : pff tout ça c'est de l'écume, passe à autre chose, pense à toi.

Pourquoi Fini de rire parce qu'il y a plein d'humour dans cet ouvrage malgré tout ?

Ce livre, c'est aussi à un moment donné l'histoire d'une chute. C'est quelqu'un qui a tout et j'en parle en me moquant pas mal de moi, en parlant de mon côté bourgeois, de ma belle maison, de ma voiture de sport et puis tout d'un coup tout s'écroule et je me retrouve... Oui, totalement largué. Peut-être parce que j'ai fait les mauvais choix, certainement. Ça c'est intéressant. Une chute, c'est toujours intéressant à partir du moment où on arrive à s'en relever.

L'idée est donc de se relever, inévitablement ?

Oui, c'est une politesse. Guy Bedos me disait souvent : "N'insulte pas ta chance !

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