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"Interruption" : une pièce pour aborder frontalement le tabou de l'avortement, avec Pascale Arbillot

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Lundi 2 octobre : la comédienne et autrice, Pascale Arbillot. Jusqu'au 5 novembre 2023, elle est jusqu'au 5 novembre sur la scène du Théâtre Antoine à Paris, dans la pièce : "Interruption".
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
La comédienne Pascale Arbillot lors de la Mostra de Venise, le 6 septembre 2023 (MARIA LAURA ANTONELLI / AVALON / MAXPPP)

Pascale Arbillot est l'une des actrices les plus convoitées du cinéma français. Sa première apparition sur le grand écran, c'était dans L'affaire de Sergio Gobbi en 1994. Son premier rôle fort, c'était dans Parlez-moi de la pluie d'Agnès Jaoui en 2008 et l'un des films qui marquera un tournant dans sa carrière, en 2010, est Les Petits Mouchoirs de Guillaume Canet, qu'elle décrit comme une expérience humaine très forte.

Si le cinéma est très présent dans sa vie, le théâtre y occupe également une grande place. Jusqu'au 5 novembre 2023, elle est sur la scène du Théâtre Antoine à Paris, dans la pièce Interruption. Un texte qui aborde frontalement le thème de l'avortement.

franceinfo : Est-ce que c'était important d'apporter un nouveau regard sur ce sujet, l'avortement, qui est encore aujourd'hui tabou ?

Pascale Arbillot : Ce n'est justement pas un nouveau regard, c'est de laisser parler les femmes, de les écouter, mais surtout de les incarner. On s'est rendu compte qu'on ne parlait pas de ça entre nous, les femmes. Entre mère et fille, on n'en parle pas. Entre amies, on n'en parle pas. Comme si ce n'était pas bien.

"L’avortement est un droit acquis, mais qui reste un tout petit peu stigmatisé. On se sent quand même coupable, on ne sait pas comment faire, on ne sait pas qui aller voir, on ne sait pas vraiment quels droits on a. Il y a des gens qui ne savent pas encore que le planning familial existe."

Pascale Arbillot

à franceinfo

Cette loi est passée le 29 novembre 1974, à l'issue de 25 heures de débat historique. Il y a eu 284 voix pour, 189 voix contre. On a eu l'impression à ce moment-là que les femmes, et les hommes, avaient gagné une bataille et en même temps, on se rend compte qu’aujourd'hui, 50 ans plus tard, on est encore en train de parler de cet acte avec toujours un sentiment de honte.

Même Simone Veil, à l'époque, elle n'avait peut-être pas le choix, a dû dire qu’il y avait aussi cette loi pour dissuader le plus possible les femmes d'avorter. C'est-à-dire que la loi n'était pas là pour inciter… Comme si tout d'un coup les femmes attendaient une loi pour pouvoir faire ce qu'elles voulaient et avorter tout le temps ! Non, ça n'arrive jamais. Il faut avoir avorté ou avoir déjà un corps de femme et savoir ce que c'est que la douleur, même d'enfanter, pour savoir qu'un avortement n'est pas anodin. On n'oublie pas qu'on a avorté. Jamais. Ce n'est pas non plus un drame, ce n'est pas non plus une catastrophe... parce que sinon ça sous-entend quelque part que c'en est une et que donc il ne faudrait pas avorter. En Europe, aux États-Unis, grande démocratie, il y a des femmes qui meurent parce qu'elles font une grossesse extra-utérine et qu’on préfère laisser le bébé continuer à vivre. Des femmes meurent. C’est fou.

C'est fort parce que vous souffrez d'endométriose et très jeune, à 18 ans, les médecins vous ont dit : "De toute façon, ça ne sera pas possible d'avoir un enfant"...

On m'a dit : C'est fini. Moi, je suis toujours une femme qui ne peut pas avoir d'enfant, bizarrement, alors que j'ai eu un petit garçon.

Et avant vos 40 ans, vous êtes enceinte. Vous avez eu du mal à y croire d'ailleurs !

Ah oui, c'est un miracle ! Ça tombait très mal, je jouais au théâtre et portait un corset. Je ne rentrais plus dedans ! C'était impensable parce que ce n'était pas possible. Alors ce qui a été encore plus dur, c'est qu'évidemment c'était miraculeux, mais il se trouve que c'était ce qu'on appelle un œuf clair donc ça n'a pas tenu. J'ai fait une fausse couche naturelle. Mais du coup, on m'a dit : Il faut vraiment réessayer parce que cela veut dire que c'est possible. Donc l'amour est plus fort, la vie est forte et je suis tombée évidemment enceinte après. J'ai eu peur jusqu'au cinquième mois. Mais oui, je n'oublie pas.

Quel regard a-t-on vis-à-vis de l'avortement quand on se "bat" pour avoir un enfant ?

Justement, je ne me suis jamais battue. D'abord, j'ai subi un peu ma condition. Ce qui était dur, c'est que quand je rencontrais un homme, je me disais : ça ne pourra pas durer parce qu'il voudra un enfant. Donc c'était ma condition de femme dans un couple que je remettais en cause et je me disais : je ne sers à rien, en tout cas dans un couple. Ce qui est fou. Mais en même temps, j'ai connu ce que c'est que la non possibilité et la liberté de ne pas être obligée et de ne pas se dire : il faut avoir un enfant pour exister. Je soutiendrai encore demain des femmes qui ne veulent pas avoir d'enfants par choix, je trouve ça magnifique.

"On n'est pas une moitié de femme parce qu'on n'a pas enfanté. On n'est pas une moitié de femme parce qu'on n'est pas mariée. On n'est pas une moitié de femme parce qu'on aime une autre femme. On n'est jamais une moitié de femme, on est un individu."

Pascale Arbillot

à franceinfo

Vous avez fait Sciences-Po, ce qui était diamétralement opposé avec le milieu artistique. Au fond de vous-même, vous avez toujours été artiste ? Votre papa vous a lu des vers très tôt, c’était un amoureux de la poésie, totalement rêveur. Votre mère vous a, quant à elle, offert l'indépendance. Elle vous a toujours dit : "Il ne faut jamais dépendre d'un homme".

Elle m'a dit : Ne dépend jamais de quelqu'un.

Est-ce que vos parents vous ont permis de rêver plus grand ?

Oui, certainement, alors qu'ils avaient quand même peur aussi, eux, de rêver plus grand.

Enfant, vous rêviez à quoi alors ?

Je voulais surtout être très libre. Je ne voulais avoir aucune contrainte, aucune attache. Très étrange quand on est petit.

Que représente cette pièce pour vous ?

D'être passée du côté de l’écriture et de me dire : j'ai envie de faire ça, de ne pas me cacher derrière un metteur en scène et ses désirs. C'est moi qui désire, c'est moi qui affirme mon envie. Moi, qui n'aime pas trop ça, là, je suis suffisamment bien entourée et la cause est belle, forte et joyeuse. C'est très joyeux comme spectacle, je vous jure, je n'ai jamais été aussi heureuse de ma vie !

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