Le monde de Marie. En Italie, alors qu'un nouveau gouvernement se profile, la mafia est toujours une menace
Tous les jours, Marie Colmant revient sur un sujet passé (presque) inaperçu. Aujourd'hui, la mafia, toujours vivace en Italie où près de 200 journalistes menacés sont sous protection policière.
Lundi 20 mai, après deux mois de palabres, les deux partis anti-système ont proposé au président italien le nom de Giuseppe Conte pour diriger le gouvernement d'alliance. Au nombre des chantiers qui l'attendent : la lutte contre la mafia. Une mafia très en forme, si on juge par le nombre de journalistes menacées par l’organisation criminelle, et qui vivent aujourd’hui sous protection policière en Italie. Ils sont 200, ce qui fait de l’Italie, un cas unique en Europe, voire le monde occidental.
Le dernier journaliste en date s’appelle Paolo Borrometi et son cas nous intéresse beaucoup parce qu’il était en relation avec Daphne Caruana Galizia, la journaliste maltaise assassinée l’automne dernier. Paolo Borrometi est jeune, 35 ans, il est sicilien, et sa vie aujourd’hui ressemble à une vie en prison. Pas question de sortir seul, de conduire seul, d’aller s’acheter un pantalon tout seul, pas question non plus d’aller au restaurant, au cinéma. Il ne fait rien sans ses gardes du corps, et vit la plupart du temps, enfermé dans un lieu secret.
Menaces de mort et agressions physiques
Il y a cinq ans, cet ancien avocat décide de créer un site d’info indépendant. Sa première enquête sur les liens entre certains membres du conseil municipal et la mafia lui vaut ses premiers ennuis, d’autant que Paolo Borrometi, à l’instar de Roberto Saviano, publie ses enquêtes en citant des noms, des chiffres. Avec des photos.
Les menaces de mort affluent immédiatement, une centaine. Paolo Borrometi n’est pas impressionné et continue ses enquêtes. Et notamment sur un des plus gros marchés de fruits et légumes en Sicile, contrôlé par la mafia. Il obtient des résultats significatifs, notamment un embargo des pouvoirs publics sur un très gros producteur de tomates.
Jusqu’au jour, où deux hommes cagoulés le saisissent alors qu’il sort de chez lui, l’un des deux lui retourne le bras derrière le dos et lui arrache l’épaule, tandis que l’autre lui souffle "dernier avertissement". Paolo Borrometi continue ses enquêtes. C’est l’incendie de son appartement qui poussera la police à le placer sous protection.
Cet environnement armé n’intimide pas plus que ça la mafia ; la semaine dernière la police italienne a capté une conversation entre deux criminels qui projetaient une attaque à la bombe pour en finir avec Paolo Borrometi. Lui, il a toujours mal à l’épaule, cinq ans après.
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