Au Bangladesh, un prix Nobel de la Paix à la tête du gouvernement provisoire ?
Depuis 24 heures, le pays tout entier vit à la fois des scènes de chaos et de célébration. Ce lundi 5 août, dans l'après-midi, l'hélicoptère qui exfiltre Sheikh Hasina vers l'Inde est à peine parti qu'à Dacca, la foule se précipite vers la résidence de la dirigeante déchue. Les Bangladais pillent dans les cuisines, prennent la pose sur les lits, embarquent des meubles, des livres et des télévisions.
Tout ce qui est lié à l'ex-première ministre devient la cible de la colère populaire. Dans la capitale, on s'attaque à coups de marteau aux statues qui représentent son père, Sheikh Mujibur Rahaman, homme clé de l'indépendance en 1971.
Des bureaux du parti au pouvoir sont incendiés, tout comme les locaux des télévisions pro gouvernementales. Le parlement est envahi, on y saute sur les tables et on y déclenche des fumigènes. Les manifestants brandissent le drapeau national, vert foncé avec un disque rouge au milieu. Ils célèbrent, disent-ils, la fin de 15 ans de dictature.
L'armée lève le couvre-feu
L'armée, qui jusqu'ici a toujours été loyale envers le régime, laisse faire. Après avoir réprimé les manifestations par le sang, dimanche, militaires et policiers restent en retrait... Et lundi 5 août c'est un général, Waker-Uz-Zaman, qui prend la parole à la télévision d'Etat. Il annonce aux 170 millions de Bangladais qu'il est temps de mettre un terme à la violence.
L'armée annonce la libération de toutes les personnes arrêtées lors des manifestations. Elle lève le couvre-feu et autorise la réouverture des écoles, des universités, des bureaux... Les usines de confection qui font tourner l'économie et fournissent des vêtements aux plus grandes marques mondiales n'ont toutefois pas repris leur activité.
Au départ, la protestation lancée par les étudiants était dirigée contre le rétablissement d'une mesure gouvernementale prévoyant de réserver un tiers des emplois de l'administration pour les familles des vétérans de la guerre d'indépendance, autrement dit aux proches du pouvoir. Mais elle s'est très vite transformée en contestation générale contre un gouvernement qui se servait allègrement des institutions de l'Etat pour consolider son pouvoir.
Pressions de l'occident
Rien n'est écrit mais les risques de représailles et de troubles restent très élevés. Ce lundi 5 août des affrontements meurtriers ont eu lieu dans la capitale, attaques et vengeance contre des policiers, familles hindoues prises pour cibles par des musulmans. Il y a au moins 110 morts.
Les plus optimistes veulent croire malgré tout au scénario d'une transition démocratique apaisée. Et l'occident fait pression. À Washington, la diplomatie américaine "exhorte toutes les parties à s'abstenir de recourir à davantage de violence. Trop de vies ont été perdues ces dernières semaines et nous appelons au calme et à la retenue pour les prochains jours." Le Royaume-Uni - ex-puissance coloniale avant la partition entre l'Inde et le Pakistan - appelle lui aussi au retour au "calme" et à la "désescalade" dans l'ancien "Pakistan oriental".
Les leaders de la contestation étudiante souhaitent d'ailleurs que le Prix Nobel de la paix 2006, Muhammad Yunus, 84 ans, pionnier du microcrédit et actuellement en Europe, soit désigné à la tête le gouvernement intérimaire. " Nous n'accepterions aucun gouvernement soutenu ou
dirigé par l'armée " déclare Nahid Islam, l'un des principaux organisateurs du mouvement dans une vidéo diffusée sur Facebook. Les négociations ont commencé.
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