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Au Mali, l'armée soupçonnée d'un massacre de masse

Au Mali, les forces armées sont soupçonnées d'un massacre de grande ampleur à Moura, dans le centre du pays. Avec l'aide présumée des mercenaires russes de la société paramilitaire privée Wagner.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Des soldats maliens, lors de la parade pour les 60 ans de l'indépendance du Mali, le 22 septembre 2020. Image d'illustration. (MICHELE CATTANI / AFP)

Le massacre a été perpétré à Moura, dans le delta du fleuve Niger. Ce dimanche 27 mars, c'est jour de marché aux bestiaux à Moura. Dans ce village qui depuis 2016 vit sous la coupe de jihadistes liés à Al Qaïda, les islamistes sont nombreux, ils viennent de toute la zone acheter à manger ou revendre du bétail saisi aux éleveurs.

En fin de matinée, tout bascule : au moins deux hélicoptères atterrissent près du marché, des militaires en descendent, échanges de tir avec des jihadistes qui très vite se fondent dans la foule. D'autres soldats arrivent, le village est bouclé, impossible d'en sortir. Les horreurs commencent. Les hommes sont triés en différents groupes, exécutés par balles avant d'être jetés dans des fosses communes, où les corps sont parfois brûlés. L'indicible va durer cinq jours.

Qui a été tué : des civils ou des jihadistes ? Pour Human Rights Watch, majoritairement des civils. Dans un rapport publié hier, l'ONG estime que 300 personnes ont ainsi été exécutées de façon sommaire et sans distinction. Si ces faits sont confirmés, il s'agirait de la pire atrocité de ce conflit qui ronge le Mali depuis dix ans.

Pour Bamako ce sont des jihadistes qui ont été ciblés et tués. Le 1er avril, l'armée malienne revendique "une opération nettoyage" de grande envergure à Moura et la mort de 203 terroristes. La presse favorable à la junte au pouvoir salue "une victoire éclatante" ; face aux mises en cause de plus en plus nombreuses, l'état-major dénonce mardi 5 avril dans un nouveau communiqué des "spéculations diffamatoires".

Selon les survivants du massacre interrogés par Human Rights Watch et différents médias français, les militaires blancs qui ont investi le village au côté des forces armées maliennes parlaient une langue inconnue, qui n'était pas le français. Or les services occidentaux estiment qu'environ 1 000 mercenaires russophones de la société militaire privée Wagner sont à l'oeuvre au Mali, depuis que la junte qui promet de reprendre la main sur le territoire, est en froid avec la France et ses alliés et qu'elle s'est rapprochée de Moscou.

Saura-t-on un jour ce qui s'est vraiment passé ? Paris et Washington qui se disent "gravement préoccupés" demandent l'ouverture d'enquêtes nationale et internationale. Mais les autorités empêchent par exemple les enquêteurs de la Minusma, la force de l'ONU sur place, d'accéder au village.

Comme l'an dernier, après la frappe contestée de l'armée française sur le village de Bounti, qui avait tué 22 personnes, deux versions contradictoires vont continuer à s'opposer. Sur le terrain les affaires continuent. Selon des sources locales, dès vendredi dernier les jihadistes avaient repris leurs prêches à Moura.

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