Au Mali, l'armée soupçonnée d'un massacre de masse
Au Mali, les forces armées sont soupçonnées d'un massacre de grande ampleur à Moura, dans le centre du pays. Avec l'aide présumée des mercenaires russes de la société paramilitaire privée Wagner.
Le massacre a été perpétré à Moura, dans le delta du fleuve Niger. Ce dimanche 27 mars, c'est jour de marché aux bestiaux à Moura. Dans ce village qui depuis 2016 vit sous la coupe de jihadistes liés à Al Qaïda, les islamistes sont nombreux, ils viennent de toute la zone acheter à manger ou revendre du bétail saisi aux éleveurs.
En fin de matinée, tout bascule : au moins deux hélicoptères atterrissent près du marché, des militaires en descendent, échanges de tir avec des jihadistes qui très vite se fondent dans la foule. D'autres soldats arrivent, le village est bouclé, impossible d'en sortir. Les horreurs commencent. Les hommes sont triés en différents groupes, exécutés par balles avant d'être jetés dans des fosses communes, où les corps sont parfois brûlés. L'indicible va durer cinq jours.
#Mali: @HRW investigations revealed that over the course of several days in late March, Malian army forces and foreign soldiers – identified by several sources as Russians – executed in small groups several hundred people who had been rounded up in Moura. https://t.co/LJ4uyChZnT
— Human Rights Watch (@hrw) April 6, 2022
Qui a été tué : des civils ou des jihadistes ? Pour Human Rights Watch, majoritairement des civils. Dans un rapport publié hier, l'ONG estime que 300 personnes ont ainsi été exécutées de façon sommaire et sans distinction. Si ces faits sont confirmés, il s'agirait de la pire atrocité de ce conflit qui ronge le Mali depuis dix ans.
Pour Bamako ce sont des jihadistes qui ont été ciblés et tués. Le 1er avril, l'armée malienne revendique "une opération nettoyage" de grande envergure à Moura et la mort de 203 terroristes. La presse favorable à la junte au pouvoir salue "une victoire éclatante" ; face aux mises en cause de plus en plus nombreuses, l'état-major dénonce mardi 5 avril dans un nouveau communiqué des "spéculations diffamatoires".
COMMUNIQUE N°027 DE L'ETAT-MAJOR GENERAL DES ARMEES DU 05 AVRIL 2022 pic.twitter.com/12mOjXa7Yf
— Forces Armées Maliennes (@FAMa_DIRPA) April 5, 2022
Selon les survivants du massacre interrogés par Human Rights Watch et différents médias français, les militaires blancs qui ont investi le village au côté des forces armées maliennes parlaient une langue inconnue, qui n'était pas le français. Or les services occidentaux estiment qu'environ 1 000 mercenaires russophones de la société militaire privée Wagner sont à l'oeuvre au Mali, depuis que la junte qui promet de reprendre la main sur le territoire, est en froid avec la France et ses alliés et qu'elle s'est rapprochée de Moscou.
Saura-t-on un jour ce qui s'est vraiment passé ? Paris et Washington qui se disent "gravement préoccupés" demandent l'ouverture d'enquêtes nationale et internationale. Mais les autorités empêchent par exemple les enquêteurs de la Minusma, la force de l'ONU sur place, d'accéder au village.
La Minusma attend toujours l’autorisation des autorités de transition pour lancer sa mission d’enquête à Moura, village du centre du pays, qui a fait l’objet entre le 23 et le 31 mars d’une vaste opération militaire. @hrw_fr https://t.co/rSEwm1ckPF pic.twitter.com/5hLa5pkMhw
— Nouvelles Mondiales (@Nouvellesmonde_) April 5, 2022
Comme l'an dernier, après la frappe contestée de l'armée française sur le village de Bounti, qui avait tué 22 personnes, deux versions contradictoires vont continuer à s'opposer. Sur le terrain les affaires continuent. Selon des sources locales, dès vendredi dernier les jihadistes avaient repris leurs prêches à Moura.
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