Mali : pourquoi la présence de Wagner inquiète-t-elle autant les occidentaux ?
Dans un communiqué publié jeudi 23 décembre, 15 pays dont la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne ont à la fois acté et condamné le déploiement de Wagner au Mali. Ils accusent Bamako d'accueillir à bras ouverts les "mercenaires" de cette société russe proche du Kremlin.
L'opération Wagner est synonyme de déstabilisation. D'abord, pour les occidentaux, l'État malien – ou ce qu'il en reste – ferait mieux d'utiliser ses maigres ressources pour soutenir ses soldats et sa population plutôt que pour payer des mercenaires étrangers. Des mercenaires qui viennent protéger les maliens des terroristes mais aussi aider la junte à se maintenir au pouvoir. Or, Paris notamment, tente désespérément de convaincre les militaires de lâcher les commandes et d'organiser des élections pour rendre le pouvoir aux civils. L'arrivée de Wagner risque de ruiner ces efforts.
Wagner au Mali «Nous constatons la rotation de plusieurs avions militaires russes délivrant du matériel à des opérateurs de Wagner à Bamako, la construction d’un camp militaire à l'aéroport et l’arrivée de plusieurs géologues liés à ce groupe", source gouvernementale française. pic.twitter.com/y9ElgehiBZ
— Laurent Larcher (@LaurentLarcher) December 23, 2021
Il faut regarder ce qui se passe en Centrafrique, où l'organisation s'est implantée en 2018. Le pays a confié à Wagner la formation de son armée et de nombreuses missions de maintien de l'ordre. Aujourd'hui, c'est elle qui tient les clés de l'appareil sécuritaire, qui protège le président ; ses membres commandent même des unités jusque-là formées par les soldats de l'Union européenne.
Leurs méthodes ? Brutalité, exactions. À plusieurs reprises, leurs attaques contre des villages peuls se sont soldées par des dizaines de morts civils, femmes et enfants compris. Les occidentaux craignent les mêmes dérives au Mali.
Comment est-ce qu'ils peuvent réagir ? En Centrafrique, l'Europe a sanctionné une douzaine de membres de l'organisation et suspendu ses opérations de formation.
Le Parlement européen vient d’adopter à une très large majorité la résolution dont je suis l’auteure, qui dénonce les exactions commises par le groupe Wagner, appelle à des sanctions rapides et fortes et engage le Mali à ne pas recourir à ces mercenaires criminels. pic.twitter.com/nr9GBN0z4i
— Nathalie Loiseau (@NathalieLoiseau) November 25, 2021
Au Mali, au-delà des sanctions, on ne sait pas ce que vont faire les occidentaux engagés dans la lutte anti-djihadiste. Pour l’instant, en tout cas, il n’est pas question pour la France de replier Barkhane plus vite que prévu (la force doit passer de 5 000 hommes à environ 3 000 d'ici à deux ans).
Mais au sein de la force européenne Takuba, plusieurs pays ont déjà fait savoir que le déploiement de mercenaires était incompatible avec leur présence. Personne ne souhaite se retrouver au contact des Russes sur le terrain.
Perte d'influence pour la France
C'est aussi une question d'influence pour les européens. Depuis quelques années, la Russie a engagé une opération tous azimuts en Afrique. Du soft power, avec des campagnes de propagande pro-russe sur les réseaux sociaux. Le parrainage d’influenceurs anti-français. Le financement de films et de dessins animés assimilant les Russes à des héros qui protègent les populations locales. Pour pousser ses pions, elle compte aussi sur le volet militaire. Wagner, dont l'écusson représente une tête de mort blanche sur fond noir, est présent au Soudan, au Mozambique, à Madagascar, en Libye.
[ RUSSIE | AFRIQUE ]
— (Little) Think Tank (@L_ThinkTank) October 3, 2021
Présence de Wagner sur le continent africain. Le Mali pourrait prochainement se rajouter à la liste des 14 pays africain qui font d'ores et déjà appel à la société militaire russe. pic.twitter.com/Y9G8Wh1K2h
S’appuyer sur des réseaux non conventionnels, permet surtout à l'État russe de nier sa responsabilité et son implication. Officiellement le Kremlin n'a aucun lien avec Wagner mais plus la Russie avance, moins les européens sont capables de faire contre-poids et plus l'influence de la France s'effrite ; l'arrivée des mercenaires au Mali a des allures de défaite, pour Bruxelles comme pour Paris.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.