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Mali : comment la force française Barkhane se retire du nord du pays

Le retrait de l'opération Barkhane, annoncé par le président en juin, se traduit notamment par la fermeture de trois des huit bases françaises au Mali. Reportage à Tessalit, le camp le plus isolé au nord du pays, que vont quitter les soldats français.

Article rédigé par franceinfo - Franck Cognard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le camp de Tessalit au nord du Mali fait partie des trois bases qui vont être quittées par les soldats français. (FRANCK COGNARD / RADIO FRANCE)

Le désengagement militaire français au Nord-Mali a commencé. Emmanuel Macron a annoncé en juin 2021 la réduction des effectifs de l'opération Barkhane, de 5 100 soldats à moins de 3 000, et la fermeture de trois des huit bases françaises Parmi ces trois bases, il y a celle de Tessalit. Il s'agit du poste avancé le plus isolé de l'armée française au Sahel à 50 km de la frontière algérienne.

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Ce camp accueillait 200 soldats en moyenne, jusqu'à 500 parfois, mais ils ne sont plus que 80 depuis le 12 octobre, jour du départ du convoi - six jours de route jusqu'à Gao - qui a déménagé la majeure partie des installations de la base. Il a fallu une heure aux 110 camions et blindés pour franchir la dernière chicane qui marque la sortie du camp.

Des blindés français quittent le camp de Tessalit pour la dernière fois, le 12 octobre 2021. (FRANCK COGNARD / RADIO FRANCE)

Une "forme de respect" de l'ennemi invisible

"On voit tout le confort partir", explique Florent, le patron du camp. Ce capitaine traverse à grandes enjambées ce qui ressemble désormais à la ville fantôme d'un Far West oublié. "On a ce côté un peu symbolique d'être les derniers Français de Tessalit", indique le capitaine. Tout ou presque est partie du camp dans 140 containers de 100 tonnes, auxquels s'ajoutent un des deux mortiers ainsi que des moyens de détection et de défense. Sur les murs des bâtiments décatis, il faut nettoyer les graffitis laissés. Il faut brûler des affiches. Il y a huit ans de traces militaires françaises à effacer.

Quatre-vingts soldats vont rester à Tessalit encore un mois, sous la menace d'un ennemi éloigné. Le 15 juillet, entre 7h22 et 7h35, 14 roquettes et obus ont frappé le camp et ses alentours. Les militaires appellent ça une attaque indirecte et il y a en plus les mines artisanales (les IED, selon l'acronyme anglais couramment utilisé), mode opératoire d'un adversaire qui fuit le combat frontal. Pourtant, explique le capitaine, "il y a une forme de respect pour l'homme qui est capable de se déplacer, de vivre dans un environnement aussi inhospitalier qu'est l'Adrar, la montagne des Ifoghas. Donc on va dire qu'il y a un respect de chasseurs alpins." 

"On n'a jamais eu d'ennemis face à nous. On a eu des ennemis qui étaient loin, qui nous observaient. Du coup, on n'a pas une haine débile de l'ennemi puisqu'on n'a pas pu le voir au bout de nos fusils."

Florent, capitaine du camp

à franceinfo

Pour les 80 soldats de Tessalit, il y a, assez étrangement, un sentiment de fierté d'être les derniers. "On se dit qu'on est seuls au monde et qu'on ne peut compter que sur nous, raconte le sergent Thibault. On est loin des moyens, loin des chefs, et donc on est livrés à nous-mêmes. Mais c'est là qu'on se révèle. Et franchement, c'est beau de voir ça. " "Il y a vraiment la fierté d'être de ceux qui sont capables d'être un peu loin du confort central de Gao, décrit Florent, le capitaine du camp de Tessalit. Quand je dis qu'on descendra et qu'on roulera le drapeau français de Tessalit pour la dernière fois, forcément, ça parle aux soldats. Ça leur donne le sentiment d'avoir fait quelque chose d'exceptionnel, au sens sémantique du terme d'exception."

Le capitaine Florent (au centre), qui commande le camp de Tessalit dans le nord du Mali. (FRANCK COGNARD / RADIO FRANCE)

"Je suis le médecin en chef", se présente Julien. Le "doc" aime la géographie de Tessalit. Il en convoque l'histoire, remonte aux officiers français méharistes du siècle dernier. Tous les jours à 15 heures, il monte sur un toit pour admirer la lumière. Le bleu si particulier du ciel à cette heure "est très magique, ne serait-ce qu'avec les montagnes que l'on voit à la sortie du camp dans cette zone touarègue", décrit Julien. À plusieurs reprises sur le camp, des militaires se sont présentés ainsi : "Je suis le dernier chef pétrolier de Tessalit", "Je suis le dernier chef de section infanterie de Tessalit", et c'était toujours avec la tête haute.

Une passation loin des tensions diplomatiques

Quand les derniers soldats de Barkhane auront quitté le camp, le drapeau français va descendre, et celui malien monter. Les Famas, les forces armées maliennes, vont s'installer à la place de Barkhane. Et toutes les semaines, le capitaine Florent reçoit son homologue malien, le capitaine Sidibé. Ensemble, ils calent la transition. Le capitaine Sidibé demande à Florent plus d'exercices de défense du camp. Reprendre Tessalit est un symbole, et il veut tenir en cas d'attaque. Tessalit paraît aussi loin de Paris que de Bamako. Les phrases vachardes du gouvernement malien sur "l'abandon en plein vol" que représente le désengagement français passent bien au-dessus des deux officiers. Les tensions politiques entre les deux capitales ne descendent pas jusqu'aux deux capitaines. Ils ont autre chose à faire, leur souci est d'ordre militaire.

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