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Au Qatar, la Chine relance la diplomatie du panda

Pour la Coupe du monde de football, Pékin offre au Qatar deux de ces grosses peluches vivantes noir et blanc qui font le bonheur des zoos. Un cadeau qui a moins à voir avec le football qu'avec les questions d'énergie et de diplomatie.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Deux pandas géants dans la province du Sichuan, dans le sud-ouest de la Chine. (AFP / AFP)

Cette fois, les deux pandas offerts par la Chine portent des noms d'étoiles : Soraya (nom arabe de l'amas ddes Pléiades) et Suhail (l'une des étoiles les plus brillantes observées dans la région du Golfe) sont attendus à Doha au Qatar en octobre 2022, juste avant la Coupe du monde de football. "Un cadeau offert par les 1,4 milliard de Chinois", a dit l'ambassadeur de Chine dans l'émirat. Un cadeau "qui deviendra sûrement un nouveau symbole de l'amitié entre la Chine et le Qatar".

Un cadeau qui n'a pas grand chose à voir avec le football... même si de grandes entreprises chinoises ont participé à la construction des stades, même si c'est la Chine qui fabrique la plus grande partie des ballons, maillots, porte-clés et gadgets vendus pour la Coupe du monde. Ces deux grosses bêtes poilues au capital sympathie exceptionnel récompensent avant tout des liens économiques et diplomatiques en pleine expansion. La Chine est depuis peu le premier partenaire commercial du Qatar. Qui cherche de son côté à multiplier les alliances pour reprendre l'avantage sur ses voisins du Golfe.

La diplomatie du panda remonte à la dynastie des Tang

La "diplomatie du panda", tradition très ancienne, remonte à la dynastie des Tang au VIIe siècle. L'impératrice Wu Zetian (624-705), seule femme à régner sur l’empire, offre déjà deux pandas à son homologue japonais. Précisons que si ces bestioles – aussi mignones que maladroites – sont devenues le symbole de la Chine, c'est parce qu'elle en a le monopole. Il n'y a qu'en Chine, dans les forêts du centre du pays, que les pandas naissent à l'état sauvage. On n'en trouve nulle part ailleurs.


La diplomatie est une affaire de symboles. Dans notre monde contemporain, c'est en 1941 que pour la première fois Pékin décide d'utiliser les pandas pour améliorer son image sur la scène internationale : la femme de Tchang Kaï-chek envoie deux pandas à New York pour remercier les Américains de leur aide dans la guerre contre le Japon.

Dans les années 50, c'est plutôt aux pays amis du bloc communiste que Pékin offre ses sympathiques mangeurs de bambou – Russie, Corée du Nord... Entre 1957 et 1982, la Chine maoïste offrira au total 23 pandas à neuf pays différents. Dans les années 70, les pandas scellent le rapprochement historique avec les États-Unis : ils traversent l'Atlantique juste après la visite du président Nixon qui met fin à vingt-cinq ans de rupture diplomatique. C'est un succès inespéré : les visiteurs se précipitent au zoo de Washington pour admirer Ling-ling et Hsing-hsing. Plus d'un million dans l’année qui suivra.

Au fil des ans et des accords commerciaux noués par la nouvelle économie de marché chinoise, progressivement tout le monde a droit à son panda : Japon, Canada, France, Allemagne, etc.

Depuis 1984, les pandas ne sont plus donnés mais loués contre des sommes conséquentes (jusqu’à près d’un million d’euros par an pour les États-Unis et le Japon, voire plus en cas de naissance); une manne financière qui incite Pékin à multiplier les prêts. Les pandas restent bien sûr l'emblème du soft power à la chinoise mais leur rôle a un peu évolué : ils sont de plus en plus utilisés pour garantir des contrats d’approvisionnement stratégiques. En France, un couple de pandas, Yuan Zi (« rondouillard ») et Huan Huan (« joyeuse »), a été prêté au zoo de Beauval en 2012, l'année où Areva signait un très gros contrat de fourniture d'uranium. Mais c'est peut-être juste un hasard du calendrier.

Des contrats gaziers

Ce qui est aussi le cas avec le Qatar. L'enjeu se résume en trois lettres : GNL, le gaz naturel liquéfié, dont le Qatar est l'un des principaux producteurs. L'émirat veut d'ailleurs augmenter sa production de plus de 60% dans les cinq ans qui viennent. Il va devenir un partenaire incontournable. Au moment où tout le monde cherche des alternatives au gaz russe, il y a là un gisement qui aiguise les appétits. Le Qatar annonçait d'ailleurs il y a quelques jours la signature d’un contrat de 1,5 milliard d’euros avec le français TotalEnergies pour développer le plus grand champ de gaz naturel au monde.

La Chine, qui est l'un des plus gros consommateurs de GNL au monde, est déjà cliente du Qatar. Elle veut le rester. Ses grandes compagnies pétrolières sont en pourparlers pour des investissements conséquents et des contrats à long terme (Pékin a aussi besoin du gaz pour remplacer le charbon). Les pandas arrivent à point nommé. Mais c'est peut-être là aussi juste un hasard du calendrier.

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