Contrat entre le Qatar et TotalEnergies : "On s'assoit sur nos valeurs", estime un journaliste spécialiste du Moyen-Orient, mais "le Qatar est incontournable" pour l'approvisionnement en gaz
Georges Malbrunot, grand reporter au Figaro, souligne par ailleurs que les premiers barils de gaz liquéfié ne seront pas disponibles avant au moins 2027.
Le contrat entre le Qatar et TotalEnergies "ne va pas permettre l'approvisionnement en gaz rapidement de la France", a expliqué dimanche 25 septembre sur franceinfo Georges Malbrunot, grand reporter au Figaro, spécialiste du Moyen-Orient. Le Qatar a annoncé samedi la signature d'un important contrat avec le géant gazier et pétrolier français TotalEnergies pour le développement du plus grand champ de gaz naturel au monde.
franceinfo : Pourquoi la France choisit-elle le Qatar ?
Georges Malbrunot : Le Qatar est incontournable en matière d'approvisionnement gazier. C'est l'un des principaux producteurs au monde de gaz naturel liquéfié. On l'a vu ces derniers mois, l'Allemagne s'est rapprochée du Qatar, le chancelier Olaf Scholz est en tournée dans le Golfe et se rendra à Doha. Donc pour ce petit émirat, dont les réserves immenses de gaz ont fait la fortune, cette crise ukrainienne est une aubaine parce qu'il est courtisé par tous les pays du monde.
Une nouvelle forme de dépendance est-elle en train de se nouer ?
Total a joué un rôle très important en 1996 lorsque le père de l'émir actuel avait renversé son père en 1995 pour prendre le pouvoir et exploiter ces immenses réserves de gaz. Le nouvel émir avait de grands projets mais n'avait pas d'argent parce que son père l'avait gardé. Total et Christophe de Margerie (l'ancien PDG de Total) à l'époque ont aidé financièrement le Qatar à commencer ses projets de développements en matière gazière. Il y avait une très forte amitié entre Christophe de Margerie et la direction du Qatar. TotalEnergies et Patrick Pouyanné (l'actuel PDG) reste un des interlocuteurs privilégiés. Cela s'inscrit dans cette politique de rapprochement. Les Allemands et les Britanniques aussi sont en négociation donc le Qatar est incontournable.
Est-ce qu'il y a des contreparties ?
Lorsque le Qatar investit, c'est aussi un investissement politique. À travers ses investissements le Qatar cherche à renforcer les liens politiques avec les pays. Les liens avec la France étaient très bons sous Nicolas Sarkozy, un peu moins avec François Hollande et de manière un peu plus fraîche avec Emmanuel Macron. Ce que l'on sait c'est que cette signature d'un contrat de 1,5 milliard de dollars ne va pas permettre l'approvisionnement en gaz rapidement de la France. Les premiers trains de liquéfaction ne seront opérationnels qu'en 2027. Le Qatar est dans l'optique d'un travail de collaboration à long terme avec ses partenaires.
"C'est une bonne nouvelle pour l'approvisionnement énergétique français mais cela ne va pas suffire dans les mois qui viennent pour remplacer le gaz russe."
Georges Malbrunot, grand reporter au Figaroà franceinfo
Le Qatar est accusé de financer l'islam de France. Cela ne va-t-il pas poser de problèmes ?
Ce pays, qui grâce au gaz est devenu un acteur incontournable sur la scène internationale, a voulu un petit peu investir dans l'islam de France. Ils ont financé une bonne vingtaine de mosquées qui sont liées aux Frères musulmans. Le Qatar a misé sur eux par idéologie et opportunisme pour peser sur l'islam européen. Cela pose des problèmes parce que les Frères musulmans n'ont pas tout à fait le même agenda que le nôtre par rapport à la laïcité. Mais la France surveille.
Est-ce que l'on fait fi de nos valeurs avec cet accord ?
Effectivement on s'assoit sur nos valeurs ! Mais si on ne devait faire des affaires qu'avec les réelles démocraties, on ne ferait pas beaucoup d'affaires à travers le monde...
"J'ai entendu une ministre dire qu'on ne pouvait pas s'approvisionner chez des autocrates, cela fait sourire, d'autant que le Qatar et l'Arabie saoudite entretiennent de très bonnes relations avec la Russie. C'est une posture."
Georges Malbrunotà franceinfo
La Coupe du monde nous rappelle que le Qatar n'est pas une démocratie et ne le sera jamais, que les travailleurs étrangers opèrent dans des conditions difficiles. Mais cette Coupe du monde a été l'occasion d'améliorer un certain nombre de dossiers.
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