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Aux États-Unis, la Cour suprême doit prendre une décision qui pourrait transformer internet

Les juges examinent la responsabilité des géants du web sur les contenus qu’ils hébergent.
Article rédigé par franceinfo - Fréderic Says
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Jose Hernandez (à gauche) et Beatriz Gonzalez (à droite), beau-père et mère de Nohemi Gonzalez, décédée dans un attentat terroriste à Paris en 2015, devant la Cour suprême des États-Unis, le 21 février 2023. (DREW ANGERER / GETTY IMAGES NORTH AMERICA via AFP)

"Une décision qui pourrait transformer internet", voici comment le Washington Post, le prestigieux journal américain, présente cette affaire. De quoi s'agit-il ? La Cour suprême américaine doit décider si les grandes plateformes, comme YouTube, sont responsables juridiquement des contenus qu'elles diffusent et qu'elles relaient. La question se pose en raison d'une plainte déposée par la famille d'une jeune américaine, tuée à Paris lors des attentats du 13 novembre 2015. Les avocats de cette famille estiment que YouTube porte une responsabilité, car le site a hébergé des vidéos de propagande de l'État islamique. Plus grave, d'après ces avocats, qui ont fait valoir leurs arguments mardi 21 février devant la Cour, YouTube a même suggéré des contenus terroristes à des utilisateurs. Il s'agit de ces recommandations automatiques, générées par des algorithmes quand à la fin d'une vidéo, que vous venez de regarder, on vous en propose une autre. Les juges de la Cour suprême, la plus haute autorité judiciaire du pays, doivent donc déterminer si les plateformes sont complices du terrorisme.

Des lois qui ne sont plus en phase

Jusqu'ici, la loi américaine protège ces plateformes au nom de deux principes. D’abord, la liberté d'expression. Elle est garantie par le premier amendement de la Constitution américaine. Ensuite, la protection de l'innovation. C'est une loi qui date de 1996. Son nom : la "section 230". Elle indique que les plateformes ne sont pas responsables des contenus qu'elles hébergent.

À l'époque, le web est encore embryonnaire. Cette loi vise justement à développer le réseau, en sécurisant celles et ceux qui créent des pages internet : vous ne pourrez pas être poursuivi si quelqu'un poste des contenus illégaux sur votre site. C'est sur cette loi que s'appuie Google, la maison-mère de YouTube, pour rejeter toute responsabilité. Sauf que depuis 30 ans, internet a bien changé. Plus rien à voir entre les petits éditeurs de 1996 (qui s'adressent à une petite communauté de passionnés) et les géants du web d'aujourd'hui (qui touchent des milliards d'utilisateurs).

Si la Cour suprême tranche contre les plateformes, on imagine le déluge de procédures judiciaires qui va s'abattre contre les Google, Facebook et Twitter. Par exemple, est-ce que la famille d'un jeune conducteur qui s'est tué sur la route pourra porter plainte contre YouTube qui diffuse des vidéos faisant l'éloge de la vitesse ? On mesure ici à quel point cette décision de la Cour suprême est cruciale pour l'avenir d'Internet. Une décision d'ailleurs presque trop lourde pour les épaules des juges. L'une d'elle, Elena Kagan, a d'ailleurs suggéré mardi que ces débats devraient plutôt relever du Parlement, donc du pouvoir politique. La décision de la Cour suprême est, en tout cas, attendue avant la fin du mois de juin.

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