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Chine : la joueuse de tennis Peng Shuai toujours invisible

Sa disparition suscite une immense inquiétude dans le monde du tennis. Les réactions se multiplient après la disparition de la joueuse chinoise Peng Shuai.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
La joueuse de tennis chinoise Peng Shuai lors de l'Open d'Australie à Melbourne, le 21 juillet 2020. (GREG WOOD / AFP)

Le mardi 2 novembre, sur Weibo, le Twitter chinois, la jeune femme publie un long texte dans laquelle elle accuse un homme politique de l'avoir violée, trois ans plus tôt. Peng Shuai, ex-numéro un mondial en double est très connue en Chine. Son agresseur aussi. Zhang Gaoli, 75 ans, a été vice-Premier ministre de 2013 à 2018, membre du comité restreint du Parti. Autrement dit l'un des hommes les plus puissants du pays. Moins d'une demi-heure après sa publication, le message de Peng Shuai disparaît et la joueuse se volatilise. Plus de nouvelles, on ne sait pas où elle est, ni comment elle va. Mercredi 17 novembre, face aux pressions, la télévision d'État montre un soi-disant mail écrit de sa main dans lequel elle revient ses accusations et dit qu'elle va bien. Personne n'y croit.

Ce hashtag #WhereIsPengshuai (où est Peng Shuai) se répand sur les réseaux, partagé par une bonne dizaine de joueurs célèbres. Serena Williams réclame une enquête : "Nous ne devons pas rester silencieux", écrit l'Américaine à ses 10 millions d'abonnés sur Twitter.

Même le numéro 1 mondial Novak Djokovic l'évoque en conférence de presse. Il se dit "choqué" par sa disparition, espère son retour.

Nouvelle étape, jeudi 18 novembre, avec cette déclaration sur CNN du patron de la WTA (Women's Tennis Association), qui gère le circuit féminin : si Pékin ne tire pas l'affaire au clair, "nous sommes tout à fait prêts à retirer (de Chine) nos activités et à faire face à toutes les complications qui en découlent" car "les femmes doivent être respectées, pas censurées" dit Steve Simon, le patron de la WTA : "c'est plus important que les affaires".

La WTA a pourtant de gros intérêts en Chine : avant le Covid, elle organisait 10 tournois chaque année en Chine (sur plus de 60), notamment son Masters de fin de saison, le plus lucratif, à Shenzhen. Des tournois dotés au total de 30 millions de dollars (26,4 millions d'euros). À deux mois et demi des Jeux olympiques, l'affaire commence à devenir embarrassante pour Pékin. 

La position de la WTA s'est retrouvée renforcée par l'ONU, qui a demandé ce 19 novembre des preuves que Peng Shuai "allait bien", ainsi qu'une enquête "en toute transparence sur ses allégations d'agression sexuelle", selon la porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, Liz Throssell, lors d'un point presse à Genève.

Les disparitions temporaires, une pratique courante

En Chine, les disparitions temporaires de personnalités gênantes sont assez fréquentes. Principales cibles, les milliardaires des nouvelles technologies et les stars du show-business qui s'éloignent de l'othodoxie socialiste. On pense à Jack Ma, le patron d'Ali Baba, qui avait osé critiquer les autorités de régulation financière du pays, au chef d'Interpol, Meng Hongwei, aux actrices Fan Bingbing et Zhao Wei. Autant de personnalités tombées en disgrâce et disparues du jour au lendemain, mises à l'isolement quelques semaines ou quelques mois.

C'est un grand classique du régime, pas de téléphone, pas d'internet, pas de visites. Des disparitions souvent suivies d'actes de repentance sur les médias d'État accompagnés de déclarations d'allégeance au régime. Et presque toujours d'un effacement de toutes leurs données sur internet, impossible de trouver quoi que ce soit sur eux depuis les moteurs internet chinois. C'est pervers et très efficace. Et en général ça ne fait pas de vagues. Le ministère chinois des Affaires étrangères dit "tout ignorer" de cette affaire. À ce stade l'afffaire Peng Shuai n'est (pas encore) un dossier diplomatique.

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