Éducation : en Turquie, le gouvernement va-t-il mettre les écoles françaises sous tutelle ?

Les écoles françaises en Turquie sont au cœur d'un nouveau bras de fer entre Paris et Ankara. Alors que la France refuse d'autoriser des écoles turques sur son sol, la Turquie riposte et interdit l'inscription d'élèves turcs dans les écoles françaises.
Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Une vue générale de la ville d'Istanbul depuis le Bosphore (photo d'illustration, le 21 avril 2023) (DIA IMAGES / GETTY IMAGES EUROPE)

À Ankara et Istanbul, les établissements scolaires gérés par la France n'ont plus le droit d'accepter des jeunes de nationalité turque, qui représentent pourtant l'essentiel de leurs effectifs. De la maternelle à la terminale, le lycée Pierre Loti d'Istanbul accueille 1 400 élèves. Quelque 70% d'entre eux sont de nationalité turque ou franco-turque. Même proportion au lycée Charles de Gaulle à Ankara. Or à la rentrée, ces établissements ont interdiction d'accueillir de nouveaux inscrits qui seraient turcs ou binationaux, et ceux qui y sont déjà scolarisés seront surveillés de très près.  

Samedi 10 août, le ministre de l'Éducation a demandé la liste de leurs noms et annoncé que des fonctionnaires seraient chargés "d'inspecter" le contenu de leurs cours, pour vérifier qu'ils sont bien "conformes" aux programmes turcs qui valorisent la famille et l'ordre moral. Ce n'est pas tout. Le gouvernement impose aussi que les cours d'histoire, de langue, de culture et de littérature turques ne soient plus dispensés que par des enseignants nommés par le ministère. Si cette disposition est mise en place, les élèves n'entendront plus du tout parler du génocide arménien, par exemple. Il est inscrit comme tel dans le programme français, mais pour Ankara, il n'existe pas. Voilà ce qu'on appelle une reprise en main dans les grandes largeurs.

La Turquie prend ce genre de mesure parce qu'elle n'arrive pas à ouvrir ses propres écoles de droit turc sur le sol français, notamment à Paris et à Strasbourg. L'État français fait barrage depuis des années, or la Turquie exige de la réciprocité. En juillet, le ton est monté, le ministre de l'Éducation, dénonçant " l'arrogance" de la France. "Nous ne sommes pas comme les pays que vous avez colonisés. Nous sommes un État souverain. Vous devez donc agir selon nos conditions si vous voulez enseigner ici expliquait-il dans un entretien au quotidien Haber Türk.

Le statut des écoles françaises sur le sol turc remis en question

Comme ailleurs dans le monde, ces écoles "à but non-lucratif" sont affiliées à l'ambassade. Elles sont gérées par l'AEFE, l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger et soumises à la législation française. Elles n’ont pas d’existence au regard de la loi turque. En 2012 déjà le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan demandait qu'elles soient rattachées au ministère de l'Éducation, au prétexte justement que l'écrasante majorité de leurs élèves étaient turcs, pas seulement fils et filles de diplomates français. C'est à cette période que les discussions ont commencé. Aujourd'hui rien n'est définitivement bloqué. Les discussions se poursuivent. On attend des concessions et des aménagements de part et d’autre.

Quoi qu'il en soit cette crispation, qui illustre le raidissement général des autorités turques qui ont, par exemple bloqué, Instagram pendant neuf jours parce que la plateforme ne se montrait pas assez docile, empoisonne les relations entre les deux pays. 

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