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En Allemagne, à Cologne, le chant des muezzins sème la discorde

Le chant du muezzin pourra bientôt faire partie du paysage sonore à Cologne, en Allemagne. La ville veut autoriser les appels à la prière dans ses mosquées. L'initiative fait débat.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
La mosquée centrale de Cologne (Allemagne). (PATRIK STOLLARZ / AFP)

Pour la maire de Cologne, Henriette Reker (élue sans étiquette mais soutenue par les Verts et les conservateurs), il s'agit d'un signe "de tolérance", "une marque de respect" pour l'islam qui, dit-elle, "fait partie de la société allemande".
Sa ville, qui a largement accueilli l'immigration turque au début des années 60 compte aujourd'hui 120 000 musulmans, 12% de la population. Au nom de la liberté confessionnelle et du pluralisme des cultes, on ne peut pas, selon elle, les priver de l'expression de leur religion.

"Cologne est la ville de la liberté (religieuse) et de la diversité. Toute personne arrivant à la gare principale est accueillie par la cathédrale et accompagnée par les cloches de l'église. De nombreux habitants de Cologne sont musulmans. Permettre l'appel du muezzin est un signe de respect pour moi" écrivait-elle dans un tweet le 9 octobre.

Cinq minutes le vendredi entre midi et 15 h

Le projet pilote est mis en place pour deux ans. Ce sera très encadré et sans précipitation : les muezzins ne pourront appeler à la prière que le vendredi entre midi et 15h. Pas plus de cinq minutes. Le volume sera bridé (en gros, pas plus fort que les cloches des églises), le quartier tout entier devra être informé bien en amont et surtout chaque mosquée devra obligatoirement nommer un médiateur pour faire le lien avec les habitants et régler les litiges éventuels.
Un bilan sera fait d'ici deux ans ; d'ici là il y aura sans doute quelques ajustements, comme dans la trentaine de communes qui autorisent déjà les appels à la prière : Dortmund, Brême ou encore Dürren, où c'est même trois fois par jour depuis 1984.

Manifestation devant la mosquée

À Cologne, la proposition de la municipalité crée déjà des crispations. Bien sûr, tous les habitants concernés n'y sont pas opposés. Certains titres de presse comme le journal Der Tagesspiegel ont d'ailleurs apporté leur soutien à l'initiative.

"Le droit à la #liberté de religion s'applique également aux #musulmans. Qu'il s'agisse de cloches d'église ou d'appels à la prière islamique, "Nous sommes là" est le message des fidèles. Seule #Berlin hésite encore". Mais l'AfD, le parti d'extrême-droite, s'est empressé de récupérer la polémique. Une manifestation de citoyens a eu lieu à Cologne vendredi 15 octobre. Et d'après un sondage de l'institut Insa, six Allemands sur dix se disent opposés à l'initiative.

L'influence des Turcs

Ce qui les gêne, c'est la place de plus en plus importante que prend dans le pays une organisation religieuse au fonctionnement opaque, étroitement liée au président turc : l'Union des affaires turco-islamistes (Ditib), qui a financé à Cologne l'une des plus grandes mosquées d'Europe, avec deux minarets de 55 mètres de haut et qui gère neuf cents lieux de culte en Allemagne avec des imams venus de Turquie. Ses détracteurs l'accusent d'être avant tout un instrument de prosélytisme piloté par Ankara et d'espionner les opposants à Recep Tayyip Erdogan.

Pendant la pandémie c'est cet organisme qui avait demandé, dans des communes proches de Cologne, "des compensations spirituelles" avec un appel à la prière le vendredi. L'initiative n'avait pas été pérennisée.

Depuis l'annonce d'Henriette Reker, les mosquées en tout cas ne se précipitent pas pour essuyer les plâtres. Aucune à ce jour n'a déposé de demande d'autorisation à la mairie. Le chant du muezzin dans les paisibles rues du quartier d’Ehrenfeld, ça ne sera pas pour tout de suite. 

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