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En Hongrie, "Klub Radio", l'un des derniers médias indépendants, va cesser d'émettre

Le pouvoir du Premier ministre Victor Orbàn a réussi à faire taire l'une des dernières voix critiques du paysage médiatique : dans quelques jours, "Klub Radio" va disparaître de la bande FM après une décision de justice.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le logo de la radio indépendante hongroise Klub radio. (ATTILA KISBENEDEK / AFP)

Dimanche 14 février à minuit, ce sera fini : les Hongrois ne pourront plus entendre Klub Radio sur la bande FM. Première radio indépendante du pays, fondée en 1990, Klub est une antenne participative, impertinente et surtout... très critique vis-à-vis du gouvernement de Victor Orbán.

"La semaine prochaine, vous ne pourrez plus nous suivre que sur internet", explique le présentateur. L'antenne a perdu sa licence d'exploitation : la justice lui a donné tort face à l'autorité de régulation des médias, le puissant conseil des médias (NMHH) créé en 2011 par Viktor Orbán et qui chapeaute toutes les entreprises d’information du pays. "Dans une dictature, il n’y a pas de place pour les voix libres" réagit un autre présentateur, Janos Desi.

Un bras de fer depuis dix ans

Klub Radio est accusée, par deux fois, de ne pas avoir envoyé dans les temps des documents administratifs sur la composition de ses programmes. Un prétexte. Le NMHH a beau se défendre de prendre une décision politique, le directeur de la station Andras Arato dénonce "une décision politique, honteuse et lâche".

Cela fait en réalité dix ans que Klub Radio est engagée dans un bras de fer avec le gouvernement, qui a supprimé toutes ses fréquences en dehors de la capitale et lui a infligé un nombre d'amendes incalculable. Une année, la sanction est tombée après que le directeur avait oublié de signer des pages, sur lesquelles il n'y avait pourtant rien d'écrit.

Reprise en main des médias

En Hongrie, plus de 80% des médias sont aujourd'hui entre les mains du pouvoir. Viktor Orbán a d'abord mis au pas l'audiovisuel public, qui s'est transformé en machine de propagande. Le Premier ministre a ensuite fait racheter les privés par ses amis oligarques. Des centaines de radios, de journaux, de sites en lignes et de chaînes de télé ont disparu, les autres ont changé de propriétaire et de profil politique.

En 2020, 476 médias différents ont ainsi été regroupés au sein d'un ensemble pro-gouvernemental auquel Orbán a accordé un statut spécial d’entreprise privée "d’importance stratégique nationale", ce qui le dispense du contrôle de l’autorité de la concurrence. La Commission européenne a d'ailleurs cité cette fusion comme l’une des raisons de ses réserves sur la pluralité du marché des médias hongrois, considéré comme "à haut risque".

Aujourd’hui, les Hongrois n’ont accès qu’à des informations biaisées, sans débat, avec un matraquage systématique de l’opposition. C'est ce qui a évidemment contribué à la réélection d'Orbán en 2018. La fermeture de KlubRadio intervient d'ailleurs un an avant les prochaines législatives.

"Un signal inquiétant"

Les réactions d'inquiétude sont multiples : "Une autre voix réduite au silence en Hongrie. Un autre triste jour pour la liberté des médias", déclare Dunja Mijatovic, la commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe.

La France, comme les États-Unis, dénonce par la voix de sa diplomatie un "signal très inquiétant" en matière de "pluralisme et d’indépendance des médias", motif pour lequel Bruxelles a déjà déclenché en 2018 une procédure exceptionnelle contre la Hongrie, pour "violation" des valeurs européennes. Sans réussir à infléchir le dirigeant nationaliste.

Lorsque Viktor Orbán est revenu au pouvoir, en 2010, la Hongrie était 23e (sur 180) au classement mondial de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières. Elle est aujourd'hui 89e.

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