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En Pologne, le mémorial d'Auschwitz recadre ses visiteurs au comportement inapproprié

Des selfies ou des poses languissantes devant l'entrée du camp d'extermination : le mémorial d'Auschwitz doit (une fois de plus) recadrer ses visiteurs au comportement irrespectueux ou inapproprié.
Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
L'entrée du camp d'Auschwitz-Birkenau.(Pologne) sur le compte Twitter de Maria Murphy. (CAPTURE D'ÉCRAN)

Le samedi 5 avril, une britannique chroniqueuse sur la chaine conservatrice GB News est en visite au mémorial. Sur son compte Twitter elle poste un cliché pris devant l'entrée du camp d'extermination nazi où plus d'un million de personnes, hommes, femmes et enfants ont été déportées et assassinées entre 1940 et 1945.

Au premier plan, assise sur les rails qui emmenaient les juifs vers la mort, une jeune femme prend la pose de profil. Sourire aux lèvres, elle redresse la poitrine et offre son visage au soleil. Un homme de dos, accroupi au milieu des rails, la prend en photo avec son téléphone portable.
"Aujourd'hui, j'ai vécu l'une des expériences les plus éprouvantes de ma vie", écrit sobrement Maria Murphy. "Malheureusement, il semble que tout le monde n'ait pas trouvé cela aussi poignant". 

Cette photo est devenue  virale : près de 30 millions de vues sur le réseau social. Une majorité d'internautes, choqués, dénoncent un comportement "inapproprié", "irrespectueux". "On pourrait tout aussi bien cracher au visage de la souffrance humaine" dit l'un d'entre eux. Beaucoup dénoncent le narcissisme d'une génération instagram "qui a oublié son histoire (...)". Surtout, dit un autre "depuis que l'homo sapiens est devenu homo connecticus". 

Des selfies devant l'entrée du camp


Mais surtout certains disent avoir assisté à des scènes similaires lors de leur visite, avec des jeunes multipliant les selfies devant l'entrée du camp. Phénomène d'ailleurs observé dans d'autres lieux de mémoire, comme au cimetière américain d'Arlington ou au musée de la guerre du Vietnam à Hô chi minh-ville. 

 

Sur son compte Twitter, le Mémorial d'Auschwitz rappelle aux visiteurs de ne pas prendre ce genre de photos. En 2019, le musée a rappelé aux visiteurs qu'il y avait "de meilleurs endroits pour apprendre à marcher sur une poutre d'équilibre que le site qui symbolise la déportation de centaines de milliers de personnes vers la mort".

"Nous avons changé notre façon de nous souvenir"

Le journal espagnol en ligne el confidencial qui donne la parole à Jackie Feldman, professeur de sociologie et d’anthropologie à l’Université Ben Gourion, directeur du Centre Raab pour les études sur l’Holocauste, qui a travaillé sur les nouvelles représentations d'Auschwitz.

Bien sûr à ses yeux certains selfies sont totalement répréhensibles. Mais d’autres ne devraient peut-être pas être condamnés. Aujourd'hui, dit-il, "pour comprendre nous avons besoin de ressentir, par les expériences physiques et les photos", pas de se plonger dans les livres d'histoire.

Et "les selfies ne sont au fond que la continuité des jeux interactifs sur l’Holocauste, des hologrammes de survivants à qui l'on peut poser des questions, ou des systèmes GPS qui nous permettent de nous déplacer dans les lieux de mémoire". Nous avons changé notre façon d'apprendre et de nous souvenir de nos morts. Nous ne sommes pas encore prêts, mais un jour nous devrons l'accepter.

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