En Turquie, le gouvernement veut accélérer les fouilles archéologiques

Les autorités décidé d'imposer des chefs de file turcs sur les sites de fouilles archéologiques menées par des étrangers. Une décision qui met la communauté scientifique en émoi.
Article rédigé par Marie-Pierre Vérot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Des fouilles archéologiques sur le site d'Éphèse, en Turquie, le 3 juillet 2024. (MEHMET EMIN MENGUARSLAN / ANADOLU VIA AFP)

"On peut changer la pelle qui creuse, mais pas la main qui la tient", dit un archéologue, faisant référence à cette décision jugée stupide et dangereuse prise par le ministre de la Culture et du Tourisme. Les fouilles archéologiques sont un travail scientifique et chaque responsable de fouilles a sur son site un plan de travail, la mémoire des trouvailles, une connaissance intime du terrain, que personne ne possède. Nommer ex nihilo un directeur serait en outre comparable à du vol, à un piratage scientifique.

Les directeurs turcs nouvellement nommés sont d’ailleurs plus qu’embarrassés. Plusieurs d’entre eux s’expriment sous couvert de l’anonymat pour dire qu’ils ont été obligés d’accepter par crainte de perdre la direction de leurs propres sites de fouilles. 

Accélérer les fouilles...

Le ministre turc, pour justifier cette décision, juge que les scientifiques étrangers ne vont pas assez vite. Il estime qu’en 12 mois tout devrait être bouclé. Une ignorance qui méduse. Il déplore par exemple que seulement 25% du site d'Ephèse, l’une des merveilles du monde, un site magique et immense non loin de la mer Egée, aient été fouillés. Avec son programme, dit-il, dans quatre ans, nous en serons à 45%. Même combat à Hiérapolis, station thermale du siècle av. J.-C.

Or, on le sait, la valeur d’un site ne dépend pas du nombre de mètres carrés fouillés. Les scientifiques doivent pouvoir prendre le temps nécessaire. Ce que l’on craint, c'est en fait une multiplication des implantations touristiques. Il faut rentabiliser, remplir les caisses, attirer toujours davantage de touristes quitte à défigurer les trésors que recèle ce pays.

... dans une logique commerciale

C'est d'ailleurs déjà le cas, comme avec l'exemple, frappant d'Iznik, qui ne peut plus pour l’heure prétendre au patrimoine mondial de l’Unesco. Cette ville millénaire dans l’ouest du pays, véritable musée à ciel ouvert, a connu une restauration catastrophique. Utilisation de matériaux modernes, destruction des pierres, bétonisation… La mosquée, les remparts, les portes monumentales ont perdu leur caractère unique.

Un minaret a ainsi été ajouté, "comme un cornet de glace posé sur une tour", écrivent les experts. Les bains datant du XIVe siècle sont flambants neufs comme s’ils avaient été construits aujourd’hui. Les archéologues dénoncent une mentalité d’entrepreneurs qui remplace celle de chercheurs en Turquie. 
 

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