Guerre en Ukraine : les procédures contre Vladimir Poutine devant les tribunaux internationaux
L’Ukraine a formulé une demande auprès de la Cour internationale de justice (CIJ) afin qu’elle intervienne auprès de la Russie pour qu’elle stoppe ses opérations militaires. La Cour pénale internationale (CPI) a également ouvert une enquête pour "crimes de guerre".
La Cour internationale de justice (CIJ) tient une audience à partir du lundi 7 mars à La Haye, aux Pays-Bas. Elle doit répondre à Kiev qui lui demande d'imposer la fin de l'invasion russe. La démarche ukrainienne est avant tout symbolique : la CIJ, qui est le principal organe judiciaire des Nations Unies et est chargée de régler les diférents entre États, n'a aucun moyen de faire appliquer ses décisions, pourtant censées être contraignantes. En attendant un jugement sur le fond – qui par ailleurs peut prendre plusieurs années – Kiev demande malgré tout une mesure en urgence : la suspension des opérations militaires. Requête déposée le 26 février, deux jours seulement après le début de l'invasion russe.
Pour justifier son "opération militaire spéciale" Vladimir Poutine utilise l'argument d'un "génocide" qui serait en cours depuis 2014 contre les russophones de l'est de l'Ukraine, dans les régions de Donetsk et de Louhansk. Fausse accusation, répond Kiev : il n'existe aucune preuve, les agissements russes n'ont donc pas de base légale : c'est au contraire Moscou aujourd'hui qui planifie un génocide et veut nous éliminer en tant qu'entité nationale.
EN DIRECT: l’Ukraine présente ses plaidoiries sur sa demande en indication de mesures conservatoires en aff. des Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (#Ukraine c. #Russie) devant la #CIJ https://t.co/fvTv03lUKA
— CIJ_ICJ (@CIJ_ICJ) March 7, 2022
Les plaidoiries ukrainiennes ont eu lieu lundi 7 mars au Palais de la Paix. La Russie, est censée répondre demain. Un juriste important de l'équipe qui défend Moscou, le Français Alain Pellet, a choisi cette fois de se désister. "On ne peut pas dit-il, défendre un État qui viole le droit international de manière aussi radicale et avec autant de cynisme". Une décision judiciaire en faveur de l’Ukraine émanant de la CIJ, même si elle n'est pas mise en application, serait un revers certain pour Moscou. Plus importante en tout cas que les multiples condamnations de l’agression russe sur l’Ukraine, dont l’adoption d’une résolution par l’Assemblée générale de l’ONU le mercredi 2 mars – résolution non obligatoire.
En 2017 déjà, l’Ukraine avait saisi la CIJ pour dénoncer des violations commises par la Russie de la convention sur les discriminations raciales en Crimée et de la convention sur le financement du terrorisme. L’affaire est toujours en cours.
Une enquête ouverte par la CPI
Il y a d'autres actions en cours contre Moscou : mercredi 3 mars, une enquête a été ouverte devant la Cour pénale internationale pour "crimes de guerre" et "crimes contre l'humanité".
Déclaration du Procureur de la #CPI #KarimAAKhanQC sur la situation en #Ukraine : « J'ai décidé de procéder à l'ouverture d'une enquête. » Lire plus ⤵️ (En anglais ; la version française sera disponible ultérieurement) https://t.co/Z2d8Awago6
— CPI-Cour pénale int. (@CourPenaleInt) February 28, 2022
Elle vise les attaques délibérées des Russes contre les civils, notamment l'utilisation de bombes à sous-munition dans les aires urbaines, pratique qui a déjà été considérée comme crime de guerre dans le cadre de poursuite d'anciens officiers en Syrie.
Il y a toutefois des limites au pouvoir de la Cour pénale internationale (CPI) : d'abord la Russie s'en est retirée en 2016 (parce que la Cour considérait la Crimée comme un territoire occupé), ce qui veut dire que la Cour ne pourra pas poursuivre des individus russes sur le sol russe, elle ne pourra le faire que s'ils sont arrêtés dans un pays qui lui reconnaît sa compétence.
Ensuite la CPI n'est pas en capacité de juger "le crime d'agression", attaque planifiée d'un État contre un autre, car ni la Russie ni l'Ukraine n'ont ratifié le traité fondateur de la Cour pénale internationale.
Des procédures très longues
D'autres instances peuvent jouer un rôle : la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), que Kiev a aussi saisie, voire les tribunaux nationaux qui peuvent aussi juger des affaires liées à la violation du droit international. Au conseil de sécurité de l'ONU c'est exclu, la Russie possédant – et usant – systématiquement de son droit de veto.
Vladimir Poutine sera-t-il jugé un jour ? Tant qu'il sera en exercice, ça semble exclu. Ce genre de procédure est toujours très long, il faut pouvoir reccueillir des témoignages, aller sur le terrain... La Russie fait déjà l'objet d'enquêtes de la Cour pénale internationale, ouvertes en 2008 (pour l'invasion de la Géorgie) et en 2014 (pour le conflit dans l'est de l'Ukraine), deux procédures toujours en cours. Mais c'est un signal politique unanime que la communauté internationale envoie aujourd'hui au dirigeant russe.
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