Iran : 40 jours de manifestations, une colère intacte
L'Iran s'est de nouveau embrasé hier, 40 jours après la mort de Mahsa Amini, une jeune Kurde arrêtée par la police des mœurs parce qu'elle ne portait pas correctement son voile et morte à l'hôpital après trois jours de coma.
C'est une tradition de l'islam chiite : 40 jours après la mort d'un proche, on se retrouve pour fêter de manière symbolique la fin du deuil. Mercredi 26 octobre, des milliers personnes ont donc convergé de tout le Kurdistan iranien vers la ville de Saghez, où Mahsa Amini est enterrée.
Les routes sont barrées par les forces de sécurité, alors la marée de participants continue à pied. Quelques vidéos diffusées sur les réseaux – malgré la coupure d'internet – montrent des femmes qui ont enlevé leur voile et libéré leur chevelure, des hommes qui applaudissent. Serrés les uns contre les autres, ils scandent le mot "azadi" ("liberté").
Des images d'une grande force et d'une extraordinaire émotion ! Quarante jours après son assassinat par la police des mœurs, une foule immense se rend au cimetière de la ville de Saqqez dans l’ouest de l’#Iran pour rendre hommage à #MahsaAmini. pic.twitter.com/sngwP3VbvT
— Farid Vahid (@FaridVahiid) October 26, 2022
On entend aussi dans la foule ce slogan à l'attention du guide suprême : "Khamenei est un assassin, son pouvoir touche à sa fin". À Saghez, les forces anti-émeutes ont tiré sur la foule, on ne connait pas le nombre de victimes. Mais surtout d'autres manifestations de colère ont eu lieu dans une trentaine de villes à travers l'Iran, y compris la capitale Téhéran.
Une seule réponse : la répression
Face à ce mouvement de contestation historique, le régime s'enferme dans la répression : plus de 150 morts. Et 1 000 inculpés depuis le début des manifestations – ce sont les chiffres officiels. Inculpées cela veut dire emprisonnées – et parfois torturées.
NOUVEAU MOYEN de contester en #Iran : taguer « Khamenei est un assassin, son pouvoir touche à sa fin », sur les murs de la ville de Robat Karim, au sud-ouest de Téhéran, mardi 25 octobre, en référence à l’ayatollah qui dirige l’#Iran. #MahsaAmini pic.twitter.com/KDufgKhyF4
— Armin Arefi (@arminarefi) October 25, 2022
Les mollahs n'ont qu'une réponse : la répression. Parce qu'ils ne peuvent pas accepter la remise en cause du port du voile : c’est l’un des piliers de leur pouvoir religieux, l'Iran est une théocratie. Mais au fil des semaines c'est leur autorité, leur existence même qui est devenue la cible de cette contestation, avec une agrégation des colères. Les mouvements de protestation touchent aujourd'hui autant les raffineries que les universités, les commerçants que les médecins ou les avocats...
Mercredi, les États-Unis ont exprimé leur crainte sur le rôle que pourrait jouer la Russie dans cette répression. La Maison Blanche soupçonne Moscou de vouloir conseiller voire d'épauler concrètement son allié iranien face aux manifestants.
Un attentat revendiqué par l'État islamique mercredi en Iran risque d'ailleurs de renforcer cette répression. Au moins quinze personnes ont été tuées dans cette attaque contre le sanctuaire chiite de Shiraz. Rien à voir bien sûr avec le mouvement de contestation mais le pouvoir évidemment fait le lien, accusant ceux qu'il appelle les "émeutiers" ou les "ennemis du pays" d'avoir profité des manifestations pour désorganiser le pays, d'avoir en quelque sorte "préparé le terrain" cette attaque. Le président du Parlement assure que le pouvoir "ne va plus accepter" une telle situation. Une mauvaise nouvelle pour la société civile, qui doit s'attendre à un nouveau tour de vis de la part du régime.
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