Pacte Vert européen : la colère du chancelier autrichien après le vote de sa ministre en faveur d'un texte sur l'environnement

Psychodrame en Autriche après l'adoption d'un texte phare du Pacte vert européen. Le chancelier ne digère pas le fait que sa ministre de l'Environnement ait voté pour, à rebours de la ligne adoptée par le gouvernement de coalition, qui préférait défendre les intérêts de ses agriculteurs.
Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
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  (LUDOVIC MARIN,JOHN THYS / AFP)

Il n'est pas juste en colère, Karl Nehammer, il est furieux ! Au point de qualifier d'"illégal" le vote de sa ministre, parce qu'il ne correspond pas "à la volonté du gouvernement". Pour le faire annuler, Vienne sort l'artillerie lourde et dépose un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne. La ministre de l'Environnement a contribué à l'adoption d'un projet de loi européen sur la préservation de la nature, au mépris de la chancellerie et du gouvernement. Le parti du chancelier, le conservateur OVP, va donc porter plainte contre elle pour "abus de pouvoir".

Le texte avait suscité une violente bataille politique l'an dernier, les eurodéputés de droite y voyant une menace pour la sécurité alimentaire et le milieu rural, malgré plusieurs exigences déjà revues à la baisse.

De nombreux commentateurs estiment aujourd'hui que c'est Léonore Gewessler qui sort vainqueure de ce combat.

"Tout ce que les Verts ont mis en œuvre ou non ces dernières années ne m'a pas forcément rassuré, dit cette internaute, mais aujourd'hui, je suis sincèrement reconnaissante pour cette démarche claire, judicieuse et orientée vers l'avenir et je tire mon chapeau à Leonore Gewessler".

Un texte "historique"...

Lundi 17 juin, après un marathon législatif, l'Union européenne a adopté à un cheveu près un texte essentiel pour la biodiversité et la restauration de la nature. Les 27 s'engagent désormais à "réparer" les écosystèmes en mauvais état, par exemple en réduisant les pesticides, en limitant le déclin des abeilles, en plantant plus d'arbres et de haies, ou en retirant des barrages pour recréer des zones humides.

Une coalition d'ONG pour la protection de l’environnement (BirdLife, ClientEarth, WWF, European Environmental Bureau) salue "un tournant pour la nature et la société" et appelle les États à appliquer le texte "correctement et sans délais". D'autres évoquent une avancée "historique", à rebours du discours anti-environnement qui a marqué la campagne des européennes.

... adopté à une voix près

Pour que cette mesure passe, il fallait l'accord des ministres de l’Environnement d’au moins 15 pays représentant 65% de la population de l’Union européenne. Avant le vote, ça semblait impossible : trois États s'étaient positionnés (la Suède, les Pays-Bas et l’Italie) et cinq avaient annoncé qu'ils s'abstiendraient. Dont l'Autriche qui ne veut pas faire peser de nouvelles charges sur ses agriculteurs ni alimenter la colère du monde rural.

Mais la représentante autrichienne a changé d'avis : au dernier moment, la ministre de l'Environnement a décidé de voter "pour". "Ma conscience me dit sans équivoque que lorsque le bonheur des générations futures est en jeu, des décisions courageuses sont nécessaires", a expliqué l'élue écologiste.

"Aucun gouvernement ni aucun parti ne peut ignorer les intérêts de la protection de l'environnement et de la conservation de la nature", a-t-elle ajouté. C'est son "oui" à elle et à elle seule qui a permis d'atteindre les quotas nécessaires et de tout faire basculer.

Des législatives en septembre

La Belgique - qui assure jusqu'à fin juin la présidence tournante de l'Union européenne - ne veut pas donner trop d'écho à ce psychodrame, qu'elle réduit à des "querelles internes" à l'Autriche.
Ce différend est pourtant le plus spectaculaire qu'ait connu cette coalition inédite de la droite et des Verts - au pouvoir à Vienne depuis 2020. Mais ce n'est pas surprenant : les européennes à peine passées, le pays s'est lancé dans la bataille des législatives, qui se tiendront fin septembre. Une députée sociale-démocrate résume : cette histoire fait de nous la risée de l'Europe. Ce serait pire encore que l'environnement en fasse les frais.

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