New Delhi sous le brouillard: l'Inde manque de moyens (et de volonté) pour lutter contre la pollution atmosphérique
Pour les pneumologues, quand quelqu'un a respiré cet air âcre et empoisonné de New Delhi toute la journée, c'est comme s'il avait fumé près de 25 à 30 cigarettes. Y compris évidemment les enfants.
Pas question donc de mettre le nez dehors : début novembre les écoles de la mégalopole de 30 millions d'habitants ont fermé leurs portes. Au début cela devait durer deux jours. Puis cinq. Ca va faire bientôt 15. Chaque hiver, la fermeture dure un peu plus longtemps que l'année précédente.
Un taux de particules fines très élevé
Les écoles sont vides, mais les urgences, elles, sont débordées car les maladies respiratoires se multiplient : asthme, pneumonie, tuberculose... Pour respirer normalement, de plus en plus d'adultes et d'enfants doivent se coller en permanence sur le nez ce qu'on appelle un "masque nébuliseur" qui permet de vaporiser les médicaments destinés à dilater les bronches. Rien n'est nouveau : cela fait plusieurs années que l'Inde connaît ce genre d'épisode.
Entre le vendredi 3 et le dimanche 5 novembre, le taux de particules fines a été jusqu'à 40 fois fois plus élevé que le seuil maximal recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Fin août, une étude de l’institut de politique de l’énergie de l’université de Chicago estimait que la pollution atmosphérique par les particules fines (PM2.5) réduisait de plus de 5 ans l’espérance de vie des Indiens. Et de près de 12 ans celle des habitants de New Delhi.
Les pratiques agricoles, en grande partie responsables
Si ces épisodes de pollution atmosphérique se produisent toujours à la même période, c'est parce que dans les campagnes du nord, novembre est la période où les agriculteurs brûlent les pailles et résidus de récolte pour nettoyer leurs champs - et replanter plus rapidement.
À cela s'ajoute le trafic routier (principalement des deux roues), les émissions industrielles, la poussière des chantiers, la combustion du charbon... et la fête hindoue des lumières, Diwali, pendant laquelle les habitants font brûler des bougies, lancent pétards et feux d'artifice par dizaines de milliers.
L’absence de vent, les températures froides et les nuages empêchent les polluants de se dissiper et les maintient au niveau du sol. Si vous regardez des photos de New Delhi vous ne verrez qu'un brouillard épais et fantomatique dans lequel on a du mal à distinguer les bâtiments.
Un phénomène qui s'observe dans toute la vallée du Gange, où se trouvent 14 des villes les plus polluées du monde, peuplées de centaines de millions d’habitants.
"Un véritable meurtre de nos jeunes"
La ville de New Delhi, qui envisage de déclencher des pluies artificielles, a installé des purificateurs d’air géants dans les rues. Les chantiers sont arrêtés. Les taxis de la ville ont dû se convertir au gaz naturel et l’électrification massive des transports est en cours. La mise en place de la circulation alternée, un temps envisagée, a finalement été rangée au placard.
Mais ces mesures cosmétiques ne permettent absolument pas d'agir sur les causes profondes de la pollution. Le gouvernement du premier ministre Narendra Modi, apathique, n'a pas pris la parole, malgré l’ampleur de la crise.
Mardi 7 novembre, la Cour suprême indienne a dénoncé l'indifférence des pouvoirs publics et "le véritable meurtre des jeunes" sacrifiés sur l'autel de la croissance économique. Même l'ONG Amnesty International s'est emparé du sujet en demandant aux pays les plus riches de venir en aide au sous-continent indien et de s'engager contre cette pollution qui menace des droits essentiels.
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