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Un espion russe à la Cour pénale internationale démasqué

Un espion russe qui tente d'infiltrer la Cour pénale internationale : ce n'est pas un nouvel épisode du "Bureau des Légendes" mais une histoire vraie qui se passe aux Pays-Bas.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
La Cour pénale internationale, à La Haye, aux Pays-Bas. (JOHN THYS / AFP)

L'espion en question s'était fait passer pour un juriste de 33 ans. Nom d'emprunt : Viktor Muller Ferreira. Nationalité : brésilienne. Il venait d'être admis à un stage d'analyste junior à la Cour pénale internationale, au service des examens préliminaires. Un job qui consiste à étudier, à décortiquer tous les dossiers qui arrivent sur le bureau du procureur - y compromis donc ceux portant sur de possibles crimes de guerre commis par les soldats russes en Ukraine - pour vérifier s'il y a lieu d'ouvrir une enquête. La CPI offre chaque année 200 stages de ce type aux étudiants et diplômés en droit ou en psychologie sociale...

Mais quand il a débarqué à l'aéroport d'Amsterdam en avril pour commencer, il a été cueilli par les services secrets néerlandais et renvoyé au Brésil où il est en prison en attendant son procès. Erik Akerboom, le directeur général de l'agence de renseignement néerlandaise, a déclaré : "Cela nous montre clairement ce que les Russes sont en train de faire, en essayant d'obtenir un accès illégal à des informations au sein de la CPI. Nous classons cela comme une menace de haut niveau."

Une couverture peaufinée pendant 10 ans

Derrière ce nom d'emprunt, un Russe de 36 ans originaire de Kaliningrad : Sergey Vladimorovich Cherkasov, qui travaillait sa couverture depuis plus de 10 ans - comme les espions russes du temps de la guerre froide - le programme des "clandestins" relancé par Vladimir Poutine.

Il a fait beaucoup de choses avec l'identité de Viktor Muller Ferreira. Un diplôme en sciences politiques à Dublin, un master avec spécialisation "politique étrangère" à l'université Johns Hopkins de Baltimore. "Je me sens en colère, je me sens stupide, je me sens naïf... je me suis fait avoir", dit aujourd'hui l'un de ses enseignants, Eugene Finkel, qui ne se remet toujours pas de lui avoir écrit une lettre de recommandation pour son stage à la CPI.

Dans sa "légende", le résumé de sa vie fictive qu'il avait mémorisé - et curieusement mis par écrit sans aucun codage, l'espion avait inventé tout un tas d'anecdotes très précises (et un peu fantaisistes) : le fait qu'il détestait le poisson, qu'à l'école il était tombé amoureux de son prof de géographie ou encore qu'on l'appelait "Gringo", parce qu'avec sa peau claire et ses cheveux blonds tirant sur le roux, il "ressemblait plus à un Allemand" qu'à un Brésilien.

Dans ce récit monté de toutes pièces, il affirme également être revenu au Brésil en août 2010 pour y retrouver son père. Après cette rencontre, il aurait décidé de rester dans le pays "pour apprendre la langue et rétablir (s)a citoyenneté". Autres détails destinés à donner du crédit à sa version : dans un garage où il travaillait, il y avait un poster de "la jeune Verónica Castro, remplacé par un poster de Pamela Anderson". Viktor-Serguey se rendait régulièrement dans "la seule boîte de nuit qui joue de la musique trance" de la capitale. 

Au service de la redoutable GRU

Selon les services néerlandais, Sergey Vladimorovich Cherkasov travaillait pour la GRU, la direction générale des renseignements militaires russes. Un service à la réputation redoutable. Plusieurs de ses membres ont été inculpés pour avoir piraté les systèmes informatiques du Parti démocrate au moment de l'élection présidentielle américaine de 2016 ; on le soupçonne d'avoir organisé plusieurs assassinats ciblés d'ennemis de l'État à l’étranger.

S'il était entré à la CPI, il aurait pu faire de gros dégâts : en ayant accès aux ordinateurs il aurait pu recueillir tout un tas de renseignements, altérer voire détruire des documents ou des preuves de crimes de guerre commis par les soldats russes en Ukraine, crimes de guerre sur lesquels enquête la CPI. Ce n'est pas la première fois que les Pays-Bas démasquent des agents de renseignement russes sur leur sol, mais avec la guerre en Ukraine les experts estiment que la Russie a relancé à grande échelle ses opérations d'espionnage.

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