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Fukushima ou le tonneau des Danaïdes ?

Alors que le Japon se passe de nucléaire depuis ce week-end, France Info fait le point sur la situation dans la centrale de la côte est du pays. Depuis deux ans et demi maintenant, les ouvriers refroidissent les réacteurs, mais deux d'entre eux ont percé leurs armures d'acier et de béton. Ce sont donc des puits sans fond dans lequel il faut envoyer de l'eau et la puiser sans cesse pour éviter qu'elle n'entraîne trop de radioactivité dans l'environnement.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Bertrand Barré, ancien responsable
d'Areva, conseiller scientifique et aujourd'hui auteur de plusieurs ouvrages
sur le nucléaire, compare la situation à Fukushima au tonneau des Danaïdes dans
la mythologie grecque. Les filles de Danaos condamnées par les juges des Enfers
à remplir éternellement un tonneau percé. Mais la situation de l'eau à
Fukushima est tellement complexe qu'il n'est pas sûr de savoir si la mythologie
avait déjà envisagé un tel supplice.

Depuis deux ans et
demi, Tepco envoie des tonnes d'eau pour refroidir les réacteurs et piscines de
la centrale accidentée. Au contact des réacteurs, cette eau se charge de
radioactivité. Elle est donc pompée et stockée sur place dans des réservoirs.
"Il y a plus de mille réservoirs sur le site. Certains, construits parfois dans
l'urgence, ont montré des signes de faiblesse
", reconnaît Francis Sorin,
directeur du pôle information de la Société française d'énergie nucléaire.

"L'équivalent de
110 piscines olympiques remplies d'eau contaminée"

Mais il n'y a pas
que les réservoirs qui fuient, il y a surtout l'écoulement naturel de
l'eau : la pluie, la nappe phréatique. Tout ça se contamine. "La nappe
phréatique vient lécher les fonds des bâtiments et les inonder. Tepco doit
pomper 700 tonnes d'eau par jour, alors qu'il en envoie 400
", explique Thierry
Charles, directeur général adjoint de l'Institut de radio protection et de
sûreté nucléaire.

Que ce soit du
côté des experts étrangers ou des autorités japonaises, le discours commence à
préparer l'opinion aux demandes d'autorisation de rejet de cette eau dans
l'océan. "Après traitement on peut faire baisser le taux de césium et rejeter
au large l'eau pompée dans la centrale. Comme n'importe quelle installation
nucléaire dans le monde qui fonctionne avec des rejets contrôlés dans
l'environnement
", poursuit Thierry Charles.

Mais décider de rejeter cette eau
massivement dans l'océan ne sera pas chose facile et le gouvernement japonais
ne décidera pas tout seul. Il faudra des contrôles internationaux.

La mobilisation
continue 

Les autorités
sanitaires japonaises contrôlent les poissons, algues ou aliments produits sur
place. "Il y a parfois des annonces pour dire que tel poisson a dépassé la
limite du nombre de béquerel par kilo. Mais je n'ai pas confiance dans les
normes choisies
", affirme Yuki Takahata, militante japonaise du Réseau sortir
du nucléaire Paris.

Un mois et demi
après la catastrophe, le seuil d'évacuation, les normes de béquerel dans les
aliments, ont été revus à la hausse. Des milliers d'habitants se sont mobilisés à
ce moment-là pour faire leur propre mesure. "Deux ans et demi après c'est sûr
qu'il y a de la lassitude
", reconnaît Yuki Takhata.

Malgré tout,
la mobilisation continue. Des citoyens ont même porté plainte pour
pollution de l'environnement contre une trentaine de responsables de Tepco et
des autorités. Mais il n'y a pas d'enquête judiciaire pour l'instant.

Un groupe
d'indignés campe régulièrement devant le ministère de l'Industrie. Les anti
nucléaires japonais se sont donnés rendez-vous pour une nouvelle manifestation
nationale le 13 octobre prochain.

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