Neuromarketing : consommateurs sous influence ?
L'imagerie médicale (scanner, IRM ou électro-encéphalogramme) permet de savoir ce qui se passe dans nos cerveaux de consommateurs. Certaines multinationales ne se privent pas d'utiliser ces outils. Le sujet est si sensible qu'elle refusent de l'aborder.
Pourtant d'aprés Michel Badoc, professeur de Marketing à HEC, "Tous les grands groupes utilisent les techniques de neuromarketing. Coca Cola, Nike, Procter, Mc Donald's y ont recours. C'est une évolution normale pour un service de marketing moderne, pour essayer de mieux comprendre le cerveau du consommateur et donc améliorer l'atmosphère des points de vente, la communication publicitaire et la force de vente ".
Interdites en France, autorisées à l'étranger
En France, il est interdit d'utiliser les IRM ou les scanners des hôpitaux à des fins marchandes. La plupart des entreprises hexagonales qui veulent mener des études de neuromarketing font donc appel à des cabinets étrangers. La législation est beaucoup moins contraignante en Belgique, en Angleterre et aux Etats-Unis.
Il existe tout de même des études réalisées en France, notamment par BVA. A la place de l'imagerie médicale, l'institut utilise un système de capteurs qui mesure des micro-contractions des muscles du visage. C'est une façon d'évaluer l'émotion que ressent le consommateur face à un produit.
"Maximiser l'émotion ressentie"
D'après Eric Singler, le directeur général de l'institut BVA, "on cherche à comprendre si un packaging, une odeur, une publicité créent une émotion positive ou négative, de façon a sélectionner par exemple une publicité. Au final, le marketing c'est essayer de vendre plus ; donc on essaie de trouver les stimuli qui maximisent cette émotion ressentie ."
BVA assure que ces études de neuromarketing restent marginales : elles ne représenteraient que 0,1 % du chiffre d'affaires de l'institut. Ce ne serait qu'une manière d'affiner les études classiques des grandes marques. Mais entre mesurer les réactions du consommateur et tenter d'influencer son comportement, la limite peut être ténue.
C'est d'ailleurs ce qui inquiète l'économiste Philippe Moati, co-fondateur de l'observatoire Société et consommation : "Ces nouvelles technologies permettent de trouver le chemin pour stimuler l'envie d'acheter. Il y a un danger accru de la capacité de persuasion des enseignes, qui ne laisse pas beaucoup de chances au consommateur de pouvoir arbitrer par lui-même. "
Introuvable bouton "acheter"
Sommes-nous pour autant des consommateurs directement manipulés par les marques via ces techniques de neuromarketing ? Les grandes entreprises ont elles trouvé comment activer le bouton "acheter" dans nos cerveaux ?
D'après Olivier Droulers, chercheur en neurosciences du consommateur, qui a aussi été conseiller scientifique pour BVA, on n'en est pas encore là. "C'est une illusion, il n' y a pas de bouton d''achat qu'on peut déclencher, le consommateur est conscient et prend ses décisions. A court terme je ne pense pas qu'il y ait un intérêt pour une grande entreprise à faire de l' imagerie médicale. Pour un emballage ou une pub, ça n'est pas du tout le bon outil aujourd'hui. "
Pour le pire ou le meilleur
Les mêmes techniques de neuromarketing peuvent aussi avoir un intêret dans le domaine de la santé publique. Olivier Droulers travaille en effet sur l'effet des avertissements sanitaires sur les paquets de cigarettes. Ces photos, assez répugnantes, sont censés dissuader les fumeurs en montrant par exemple le cancer de la gorge qui les guette. "On peut imaginer que ces techniques de neuromarketing permettront peut-être un jour d'avoir des campagnes de prévention plus efficaces ."
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