Raffinerie de Petit-Couronne : et maintenant ?
La raffinerie de
Petit-Couronne, près de Rouen, est à l'arrêt depuis trois semaines. Mais même si
aucun carburant n'en sort, les 550 salariés vont travailler tous les jours et
continuent à faire les trois 8. Car il faut entretenir l'outil de travail pour
que tout se passe bien le jour où la raffinerie redémarrera. Fouad travaille
ici depuis 2 ans : "A la fois ça nous occupe, et à la fois ça évitera les
mauvaises surprises en cas de redémarrage. Ce n’est pas facile pour le moral.
On est dans le doute. On ne sait pas si on va être repris ou si on doit commencer
à chercher du travail ailleurs."
Les salariés, pour la
plupart, croient tout de même que la reprise de la raffinerie est possible. Ils
sont très nombreux à assister chaque jour à l'assemblée générale organisée par
l'intersyndicale devant les grilles où une banderole a été installée. On peut y
lire "usine à vendre ". A vendre mais pas à n'importe qui.
En 2008, Shell a vendu
Petit-Couronne au suisse Petroplus. Stéphane, qui travaille depuis 30 ans a
retenu la leçon : "Petroplus est un raffineur et pas un pétrolier. La
nuance est importante. On a vu les limites du système. Acheter du brut et
revendre les produits raffinés sur les marchés en espérant faire une marge,
c'est très difficile. A l'avenir, on veut un repreneur qui soit aussi
un pétrolier. Ainsi, il maîtrise le prix du brut et distribue en aval du
raffinage, comme le font Shell ou Total par exemple."
Mais l'urgence aujourd'hui
c'est de trouver de l'argent et vite. L'intersyndicale parle de 10 millions
d'euros par mois.
Les comptes bancaires de la
filiale française de Petroplus ont été partiellement vidés. La justice a
d'ailleurs ouvert une enquête préliminaire pour "faillite
frauduleuse ". Cet argent, l'intersyndicale espère en récupérer une
partie rapidement pour payer les salaires et relancer l'activité.
Car plus le temps passe,
plus il est difficile de redémarrer les machines. Alors en attendant la reprise
du site, l'idée, c'est en quelque sorte de louer l'infrastructure à un
pétrolier (les syndicats parlent de processing, façonnage en français). Le
pétrolier apporte son brut, les salariés de Petit-Couronne le transforme en
carburant. Ça permettrait de relancer l'activité de la raffinerie et de
faire entrer de l'argent. Ce serait également meilleur en terme
d'image pour attirer les repreneurs potentiels.
Et des repreneurs il y en
a. Le groupe d'investissement suisse Klesh se dit très intéressé même s'il n'a
pas la préférence des salariés. D'autres noms circulent dont ceux de groupes
pétroliers.
Quant à la rentabilité de
la filière, contestée par l'union française des industries
pétrolières (UFIP) qui parle de surcapacité, elle ne fait aucun doute
selon Yvon Scornet . Pour le délégué CGT de la raffinerie de Petit Couronne, le
problème, ce n'est pas qu'on produit trop mais plutôt qu'on privilégie
l'importation de carburants au dépens du made in France. "Le souhait de
nos chers majors -Total, Shell, etc.- c'est de tuer le raffinage en Europe et
de faire un maximum de pognon en fabriquant dans les pays du tiers monde où les
normes de sécurité ne sont pas les nôtres, les normes environnementales quasi
nulles, sans parler du dumping social. Ces produits cassent les prix en arrivant
en Europe. Actuellement, on tue le raffinage en France parce que l'on n'a pas
les mêmes droits. C'est comme si on nous faisait courir le 100mètres avec un
sac à dos et qu'on nous disait ensuite qu'on n'est pas compétitif ."
Une proposition de loi sur
la taxation des produits pétroliers importés va être déposée dans les tous
prochains jours par le sénateur communiste Thierry Foucaut. Elle a très peu de
chances d'aboutir mais elle aura au moins le mérite d'ouvrir le débat. C'est en
tout cas ce qu'espère l'intersyndicale de la raffinerie de Petit-Couronne.
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