La situation au Liban et les conséquences du conflit

Agnès Vahramian, directrice de franceinfo et Christian Chesnot, grand reporter, spécialiste du Proche-Orient, répondent aux questions des auditeurs? au micro d'Emmanuelle Daviet, médiatrice des antennes de Radio France.
Article rédigé par Emmanuelle Daviet
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
3 octobre 2024. Beyrouth au Liban. L'armée israélienne a annoncé avoir mené dans la nuit du 3 au 4 octobre une nouvelle salve de frappes sur le sud de la capitale libanaise, bastion du Hezbollah. (STRINGER / PICTURE ALLIANCE VIA GETTY IMAGES)

Sur la situation au Liban, et les conséquences au quotidien de ce conflit, on commence avec cette remarque d’un auditeur : "Dans vos reportages sur les réactions libanaises à la mort de Hassan Nasrallah, vous ne mentionnez jamais la joie de nombreux Libanais à la disparition du chef du Hezbollah. Pour quelles raisons ?"

Emmanuelle Daviet : Christian Chesnot, que peut-on répondre à cet auditeur ?

Christian Chesnot : Ce n’est pas volontaire. Il y a des Libanais qui se sont réjouis de la mort du chef du Hezbollah, mais globalement, la majorité, effectivement, n’ont pas applaudi, parce que le Hezbollah représente les chiites, 40% de la communauté, et puis il y a une bonne partie des chrétiens aussi, qui soutient le Hezbollah.

Donc cette minorité, un peu "criarde" n’est qu’une minorité. L’ensemble des Libanais sont plus partagés, et il y a des gens qui sont indifférents, qui nous disent, "c’est un conflit qui ne nous concerne pas". Donc ce n’est pas une volonté de ne pas donner la parole à cette minorité, mais dans le flot de l’information, c’est vrai qu’au Liban – moi, j’y étais à ce moment-là – il y a eu une sidération de tous les Libanais.

On poursuit avec ce constat d’un auditeur : "Depuis qu’Israël a commencé ses frappes militaires contre le Liban, il me semble que la grande absente est l’armée régulière libanaise. Je n’ai pas l’impression qu’elle ait réagi militairement contre Israël. Israël précise que ces attaques visent uniquement le Hezbollah. Mais l’armée du Liban n’est-elle pas tenue de défendre l’intégrité du territoire libanais ? Quel rapport entretient-elle avec le Hezbollah ? Vu de France, nous écrit cet auditeur, j’ai le sentiment que l’armée libanaise est inutile et impuissante."

Christian Chesnot, quel éclairage pouvez-vous apporter à cet auditeur ?

Impuissante, oui, inutile, non. L’armée libanaise est déployée au sud avec 4000 hommes. À un moment donné, avant les conflits, 300 à 400 à la frontière. Mais c’est vrai que l’armée libanaise ne pèse pas, face à Israël. Et moi, les généraux libanais m’ont dit : On ne peut pas engager un combat contre Israël, on serait balayé.

Ceci dit, pour la première fois, deux soldats libanais sont morts dans les récents combats, et l’armée libanaise a riposté. Mais j’allais dire de manière symbolique, car ils ne pouvaient pas faire plus. Avec le Hezbollah, il y a une espèce de modus vivendi, pas de coordination, mais en tout cas, le Hezbollah est plus fort dans le sud que l’armée Libanaise.

Emmanuelle Daviet : On termine avec cette question assez fréquente dans les messages que je reçois cette semaine : "Le conflit au Moyen-Orient n’a aucune conséquence sur notre vie de tous les jours, écrit un auditeur. L’inflation, le coût des matières premières ou de l’énergie sont le résultat de la guerre en Ukraine. Par ailleurs, il y a de nombreux sujets graves dans notre vie quotidienne. Je ne comprends donc pas pourquoi vous parlez autant de ce qu’il se passe en Israël, au Liban et en Iran".

Agnès Vahramian, vous êtes la directrice de franceinfo. Que vous inspire ce point de vue très partagé par des auditeurs ?

Agnès Vahramian : Je le comprends. Et en même temps à franceinfo, l’un n’empêche pas l’autre. Dans les moments de crise intense au Proche et Moyen-Orient, la rédaction se mobilise d’abord pour délivrer les faits, bien évidemment, ensuite décrypter les implications, et elles sont nombreuses, de ce conflit.

D’abord tout bêtement, sur le coût du pétrole et de notre essence, sur nos alliances évidemment géopolitiques, puis aussi sur la place de la France, et enfin sur le nucléaire iranien, aussi au cœur de ce conflit. J’adhère au fait que sur franceinfo, nous nous devons d’avoir énormément de pédagogie avec ce conflit, qui dure depuis 40 ans, et qui donc peut provoquer chez notre auditoire une certaine forme de lassitude.

Et enfin, je dirais que l’un n’empêche pas l’autre, parce qu’à franceinfo, nous sommes très attachés à la diversité de l’information que nous délivrons. Donc en même temps que nous parlons du Proche-Orient, nous abordons bien sûr, et en ce moment même à l’antenne, la préparation du budget par le gouvernement, les projets politiques pour la vie quotidienne des Français, ses implications, c’est une chose à laquelle nous sommes fortement attachés.

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