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Le rendez-vous du particulier. En 2020 : une taxe sur chaque changement de régime matrimonial

Vous êtes mariés, vous souhaitez que votre conjoint hérite de tous vos biens quand vous mourrez. C'est possible en modifiant votre régime matrimonial, pour intégrer par exemple, une maison ou un appartement que vous possédez. 

Article rédigé par franceinfo, Olivia Ferrandi
Radio France
Publié
Temps de lecture : 9min
Photo d'illustration (GETTY IMAGES)

Vous êtes marié et vous souhaitez que votre mari ou votre épouse puisse hériter de par exemple d'une maison ou d'un appartement à votre décès. Ce bien immobilier ne sera alors pas compté dans la succession, et vos enfants attendront la disparition de leurs deux parents pour en hériter. Jusqu'à présent, cette disposition se fait chez le notaire, mais sans être taxée par l'Etat. Mais dès l'an prochain, en 2020 donc cela va changer ! 

Une  nouvelle taxe apparait : une taxe de 0,715% très exactement, sur la valeur du bien immobilier. Si vous voulez y échapper, c'est maintenant qu'il faut modifier votre régime matrimonial, car les démarches durent près de quatre mois. Frédérique Schmidiger a enquêté sur cette question pour le mensuel Le Particulier.

franceinfo : Qui a intérêt à changer de régime matrimonial, pour faire profiter son conjoint d'une maison ou d'un appartement ?  

Frédérique Schmidiger : D’abord il y a les époux qui ont intérêt à le faire et à le faire vite, avant que la taxe ne s’applique. Ce sont ceux qui vivent dans un logement qui appartient à l’un d’eux seulement, ou les couples qui ont des patrimoines très déséquilibrés. L’époux le mieux doté pourra davantage protéger son conjoint en lui donnant des droits sur une partie de ses biens.  

Mais de manière plus générale, tous les couples, bien établis, devraient s’interroger sur l’opportunité d’adapter leur régime à leur situation familiale et à leur patrimoine. Je vous donne un exemple. Le conjoint survivant doit partager la succession de son époux avec les enfants. Même s’il s’entend bien avec eux, il peut vouloir conserver son indépendance financière et ne pas avoir à demander leur accord pour vendre son logement.

La solution ? Rendre le survivant seul propriétaire de la résidence du couple. Pour cela, on établit un contrat de mariage et on y prévoit ce qu’on appelle – d’un nom assez barbare - une clause de préciput sur le logement. On peut faire jouer cette clause sur n’importe quel bien commun du couple. Un logement qu’il pourra occuper ou louer. Avec un double avantage : le conjoint survivant n’a pas à demander l’accord de ses enfants s’il veut vendre et surtout, il n’a pas à partager avec eux l’argent retiré de la vente.    

Une donation au dernier vivant ne suffit pas ?  

La donation permet d’augmenter la part d’héritage qui revient au conjoint survivant mais elle ne lui assure pas la disposition exclusive d’un bien. Quand on joue sur son régime matrimonial, on agit en amont en augmentant la part des biens du couple dont le survivant est propriétaire et qu’il n’a pas à partager avec les enfants.  

Autre différence de taille avec la donation au dernier vivant : pour modifier le régime matrimonial, il faut l’accord des deux époux. La donation au dernier vivant, elle, peut être révoquée à tout moment par l’un des époux, sans qu’il ait à en informer l’autre. Vous imaginez la mauvaise surprise.     

La majorité des couples mariés le sont sous le régime de la communauté légale. L'une des solutions pour protéger son conjoint, est de passer à la communauté universelle. Cela change quoi ?  

Avec la communauté universelle, la maison familiale dont on hérite ou la généreuse donation de ses parents tombent dans la communauté. Chaque époux en possède donc la moitié. Très souvent, les époux qui adoptent la communauté universelle vont plus loin en prévoyant aussi qu’en cas de décès, l’époux survivant recueillera la totalité des biens communs. Tout le patrimoine du couple lui revient alors en dehors de la succession.

Ce choix est radical car les enfants, dans ce cas, n’héritent de rien. Ils devront attendre le décès du parent survivant. Avec à la clé, des droits de succession beaucoup plus élevés sur le patrimoine parental qui leur est transmis en une seule fois. C’est d’ailleurs pour cela que la solution n’est pas conseillée aux couples qui ont des enfants.

Et elle est carrément déconseillée aux familles recomposées. Les beaux-enfants n’héritent en effet pas de leurs beaux-parents. Pour leur éviter d’être déshérités par ce moyen, la loi leur permet de réclamer la part d’héritage minimale qui doit leur revenir.    

On peut aussi décider "seulement" d'aménager le régime de communauté légale en ajoutant les biens immobiliers concernés ?  

Ça peut être très utile pour un couple qui envisage de construire un logement sur un terrain dont l’un d’eux a hérité. Dans ce cas, le terrain mais aussi le logement n’appartiennent qu’à lui, même si les travaux ont été financés à deux. Pour éviter cela, avant de construire, l’époux peut apporter son terrain à la communauté. Le logement devient ainsi lui aussi commun.  

Pour ménager les intérêts de l’époux apporteur, on peut tout à fait prévoir, qu’en cas de divorce, il sera indemnisé en tenant compte de la valeur du terrain apporté.   L’autre avantage de rendre le logement commun, c’est qu’on peut ensuite prévoir qu’il reviendra intégralement au conjoint en cas de décès, avec la fameuse clause de préciput.    

Si on est marié sous le régime de la séparation de biens, comment aménager le régime pour protéger le conjoint survivant ?  

Il existe une solution assez méconnue qui consiste à créer ce qu’on appelle une société d’acquêts entre les époux séparés de biens. Ce n’est pas vraiment une société. En réalité, on se crée une mini communauté avec laquelle on va acheter - ou à laquelle on va apporter - des biens communs. On se crée comme cela une poche de communauté dans un régime de séparation.  

Le régime de séparation de biens n’est d’ailleurs pas le seul régime adapté aux époux qui veulent financièrement rester indépendants ou se protéger de dettes professionnelles. Il existe aussi le régime de la participation aux acquêts. C’est un régime hybride qui offre la même indépendance financière que la séparation de biens mais avec un partage de l’enrichissement des époux à la fin du mariage, en cas de divorce ou de décès.  

Aujourd’hui, avant donc la taxe imposée par l’Etat l'an prochain, combien coûtent ces démarches ?  

Il faut compter un minimum de 800 €. C’est ce que coûte par exemple le fait de rendre le conjoint survivant seul propriétaire du logement avec une clause de préciput, si le bien est déjà commun. Mais, cela peut coûter plusieurs dizaines de milliers d’euros s’il faut apporter un bien immobilier à la communauté. Plus le bien vaut cher, plus ça coûte.  

Dans tous les cas, il faut respecter la même procédure, qu’il s’agisse d’une simple adaptation ou d’un changement radical de régime matrimonial. Cela nécessite deux à trois rendez-vous chez un notaire, puis une fois le projet calé, il faut informer ses enfants majeurs et publier l’information dans un journal d’annonces légales pour avertir les éventuels créanciers. Les créanciers comme les enfants ont trois mois pour contester. S’ils le font, il faut prendre un avocat pour faire homologuer le changement par le juge. Et la facture grimpe avec les honoraires d’avocat.   

Un dossier signé Frédérique Schmidiger à retrouver dans le mensuel Le Particulier. 

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