Arnold Deutsch, le grand recruteur
Son parcours universitaire a été éblouissant. À peine âgé de 24 ans, il reçoit le titre de docteur à l'université de Vienne, en devenant spécialiste en chimie, même s’il est également très porté sur la philosophie et sur la psychologie. Comme tant d’autres jeunes universitaires à l’époque, séduit par l'image révolutionnaire de l’État soviétique, il adhère tout naturellement au parti communiste.
Pour camoufler cet engagement politique, il se présente alors volontiers comme un religieux fervent, d’autant plus que son authentique foi ne l’a jamais empêché un attachement enthousiaste aux slogans du Kremlin. Ses études achevées, il fait tout de suite ses premiers pas dans les sables mouvants du renseignement, en devenant courrier du Komintern (Internationale Communiste). Ainsi, on le rencontre en Roumanie, en Grèce, en Palestine et en Syrie. Désormais, ses titres universitaires lui servent essentiellement de couverture pour son activité principale : l’espionnage.
Départ pour la Grande-Bretagne
Sur ordre du Kremlin, il s’installe à Londres en 1934. Ce brillant maître de conférences devient vite familier des milieux universitaires les plus prestigieux. Afin de renforcer sa couverture, il suit parallèlement des cours de troisième cycle en psychologie, en attendant sa femme qui termine une formation d’opérateur radio à Moscou. Elle ne tarde pas à le rejoindre dans la capitale britannique, où le couple assure promptement l’enrôlement de vingt agents, ainsi que des contacts avec neuf autres.
Une stratégie simple et directe de recrutement a été la clé de son succès et déterminera l’histoire de l’espionnage du XXe siècle. Les jeunes progressistes des grandes écoles – en particulier à Oxford et à Cambridge – attirent toute son attention. En effet, il s’agit d’un cadre idéal pour se rapprocher de ces esprits encore malléables, avant qu'ils ne commencent une carrière professionnelle, et il les pousse à entrer dans les corridors du pouvoir suprême de l’empire britannique.
"A nous de fabriquer à chacun une nouvelle personnalité politique non communiste"
"Le mouvement communiste , arguait-il, s'est largement répandu dans ces universités où le renouvellement des étudiants est permanent. Par conséquent, soustraire des communistes au parti passera inaperçu aussi bien vis-à-vis du parti que de l'extérieur. Les gens ont la mémoire courte. Si d'aventure quelqu'un venait à se rappeler leur passé communiste, cela sera mis au compte d'une lubie de jeunesse, surtout pour les fils de bourgeois. A nous de fabriquer à chacun une nouvelle personnalité politique non communiste. "
Parmi les recrues d’Arnold Deutsch, cinq jeunes diplômés de Cambridge feront partie des espions les plus connus du XXe siècle : Anthony Blunt, Guy Burgess, John Cairncross, Donald Mac Lean et Kim Philby, rebaptisés "The Magnificent Five" (Les cinq de Cambridge), qui ont formé le groupe le plus célèbre des recrues du Kremlin.
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