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Jean-Paul II et le KGB

Andropov a-t-il également armé le bras de Mehmet Ali Agça, auteur de la tentative d'assassinat contre Jean-Paul II ? Commis depuis plus de vingt ans, l'attentat du 13 mai 1981 n'a pas encore révélé ses secrets.
Article rédigé par franceinfo
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  (© Maxppp  Jean-Paul II et  Mehmet Ali Agça)

Lorsque le 16 octobre 1978, le conclave rendit son verdict au Vatican, un vent d'inquiétude souffla sur la place Rouge. Deux télégrammes ultrasecrets expédiés au Kremlin par l'ambassadeur soviétique en Pologne, puis par le patron de l'antenne du KGB à Varsovie, annonçaient la victoire de l'athlète de Dieu polonais.

Depuis le début des années 1970, le Renseignement soviétique connaissait bien Karol Wojtyla

Le KGB parlait alors de son "anticommunisme virulent", s'inquiétant de l'énorme popularité dont il jouissait en Pologne et dans la hiérarchie de l'Église catholique.

Dès 1973, il fut considéré comme un "danger potentiel principal". Andropov ordonna donc de surveiller "très étroitement" l'archevêque de Cracovie et décida de déclencher une opération de désinformation et de déstabilisation baptisée "Progrès". Quatre personnages hauts placés allaient être mêlés à ces actions.

Wojtyla élu, Brejnev malade ne prenait plus les décisions importantes. Mais ses deux principaux collaborateurs, le maréchal Oustinov, ministre de la Défense, et l'inéluctable Andropov, ne comptaient pas en rester là. Ils décidèrent donc de prendre "des mesures opérationnelles" contre ce pape devenu encombrant, et le plan secret – désormais déclassifié –fut ratifié par le secrétariat du Comité central du Parti le 13 novembre 1979. En clair, cela allait du discrédit à l'élimination physique. Le KGB utilisa alors son arme favorite : la désinformation à outrance, dans la plus pure tradition stalinienne.

Les rumeurs

On fit d'abord croire que le nouveau Saint-Père était une sorte de paléo-communiste bon teint. On raconta sous forme d'anecdote, qu'à peine élu, son premier coup de téléphone avait été pour le ministre de l'Intérieur polonais à qui il aurait dit : "Ça y est, j'ai rempli ma mission." Et, tandis qu'en Occident, philosophes et journalistes "amis" tentaient de donner corps à ces rumeurs, le maître mot était de faire croire que la fumée sortie de la cheminée du Vatican n'était "pas blanche mais rouge", car "il aurait déchiré dans le brasier sa carte du Parti".

La seconde étape du plan consistait à demander aux autorités politiques polonaises de durcir le ton à l'égard de l'enfant du pays. "La Pologne est la nation la plus catholique du monde et certains membres du Parti communiste se réjouissent même ouvertement de l'élection de leur frère !" écrivit avec inquiétude l'ambassadeur Aristov dans un de ses télégrammes.

Le dirigeant polonais Edward Gierek, Premier secrétaire du Parti, refusa cependant de prendre ses distances avec le Vatican. Pis, il invita le souverain pontife à effectuer rapidement un voyage sur sa terre natale. Celui-ci eut lieu en juin 1979. Cette visite, un triomphe, marqua la première étape du culte dont l'évêque de Rome allait être l'objet.

La colère des héritiers de Staline

Pour les héritiers de Staline, c'en était trop. Furieux, Brejnev téléphona lui-même à son affidé et lui lâcha, à la fin de la conversation : "Ça va vous coûter cher !" En novembre 1979, Moscou créait une commission présidée par Andropov pour contrecarrer la politique du Vatican. On essaya de nouveau de placer dans l'entourage du Saint-Père des collaborateurs qui influenceraient sa politique et l'obligeraient à se rapprocher du Kremlin. On envoya notamment à Rome de nombreux "étudiants polonais" accueillis à bras ouverts par leur aîné, mais qui parfois étaient aux ordres d'Andropov... Dans le même temps, le leader polonais Gierek était limogé et remplacé par Stanislas Kania, homme de confiance du KGB à qui l'on demanda de prendre ses distances avec Jean-Paul II.

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