"Où est le président syrien ?" : le vrai ou faux junior répond aux questions sur la chute de Bachar al-Assad

Une semaine après le renversement de la dictature syrienne, les collégiens interrogent Claude Guibal, grande reporter à la rédaction internationale de Radio France, à propos de l'histoire récente du pays et de son avenir politique.
Article rédigé par franceinfo, Antoine Deiana
Radio France
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Des Syriens se rassemblent pour célébrer la chute du régime de Bachar el-Assad, dans le centre de Damas, le 13 décembre 2024. (SAMEER AL-DOUMY / AFP)

Le régime totalitaire du président syrien Bachar al-Assad a été renversé dans la nuit du samedi 6 au dimanche 7 décembre 2024. Une coalition rebelle menée par le groupe radical islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS) a mis fin à 50 ans d'un régime liberticide et sanguinaire. Shadi Matar, reporter de guerre syrien et exilé en France depuis 2019 nous a aidé à comprendre les enjeux actuels en Syrie. Et les élèves des collèges Turgot, à Denain (Nord), et Julles Ferry à Sainte-Genneviève-des-Bois (Essonne), ont pu interroger Claude Guibal, grande reporter à la rédaction internationale de Radio France. Elle a couvert les "printemps arabes" et notamment la révolution syrienne de 2011.

Le régime renversé rapidement

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Depuis fin novembre, des groupes rebelles syriens, jusqu'ici cantonnés à Idlib, au nord de la Syrie, ont lancé une offensive pour reprendre le contrôle du pays et renverser le pouvoir de Bachar al-Assad. C'est la fin de 13 ans de répression sanglante contre le peuple syrien. Les rebelles ont conquis très vite plusieurs villes syriennes. Ils ont pris le contrôle d'Alep, puis de Damas.

"Damas s'est rendu presque sans combattre, précise Claude Guibal, puisque presque toutes les unités de l'armée ont déserté ou n'ont pas combattu et donc ont laissé les rebelles entrer dans la ville. Si l'armée de Bachar al-Assad n'a pas combattu, c'est parce que les soldats étaient eux-mêmes très démobilisés. Leur solde, c’est-à-dire leur salaire, était extrêmement faible, de l'ordre de 10,20 euros par mois. Et Bachar al-Assad, dans une espèce de sursaut, a proposé de doubler la solde. Mais c'était trop tard".

Des "printemps arabes" à la guerre en Syrie

Maëlys : "Quels ont été les éléments qui ont déclenché la guerre en Syrie ?"

"La guerre en Syrie, rappelle Claude Guibal, débute alors qu'un certain nombre de mouvements ont commencé à secouer le monde arabe et le Proche-Orient. C'est ce qu'on a appelé les printemps arabes. Cela a commencé d'abord en Tunisie, fin décembre 2010, où un homme qui travaillait sur un marché s'est immolé, c’est-à-dire s'est suicidé par le feu après une arrestation musclée et injuste par la police. Tout cela a soulevé un énorme vent de colère contre les pouvoirs en place. D'abord en Tunisie, mais c'était un peu la même chose en Égypte, en Libye, en Syrie. Des pouvoirs autoritaires, très, très forts, dictatoriaux, qui étaient là depuis des années et une population qui ne se sentait pas citoyenne". 

L'histoire vraie du petit Hamzat, torturé à 13 ans

Ashraf : "Sur la télé d'une chaîne marocaine j'ai vu qu'il y a un docteur qui s'appelle Bachar al-Assad et un jour, un petit enfant de huit ans en Syrie a tagué sur un mur 'C'est bientôt ton tour, docteur'."

En mai 2011, à Deraa, dans le sud-ouest de la Syrie, le peuple se révolte contre le pouvoir de Bachar al-Assad. En sortant de l'école, un groupe d'enfants entre 10 et 15 ans, écrit sur un mur : "Docteur, bientôt ce sera ton tour", en référence à Bachar al-Assad, dont le métier d'origine est ophtalmologue. "Ton tour" étant une façon de prédire au président syrien un destin identique aux dirigeants tunisiens et égyptiens, renversés par leur peuple.

Le destin de ces enfants est, lui, tragique, raconte Claude Guibal : "Ils sont arrêtés par la police. Le corps de l'un d'entre eux est supplicié, torturé et va être montré à sa famille. Ce petit garçon s'appelle Hamzat al-Khatib, il avait 13 ans au moment de sa mort et l'état de son corps est monstrueux. Ce jeune garçon est devenu le symbole de la révolte de tout un peuple. Montrer son corps, c'est montrer ce qui peut arriver si on se soulève contre le dictateur. Une dictature, c'est ça, ça fonctionne par la terreur. Donc, on terrifie la population. Mais au lieu de terrifier et de tétaniser la population comme cela a été le cas avant la mort d'Hamzat al-Khatib, cela a au contraire provoqué un effet de colère terrible qui a décuplé les manifestations".

Bachar al-Assad a bien fui en Russie

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Quand le régime est tombé, certaines rumeurs disaient que Bachar el-Assad avait fui vers la Russie. On sait aujourd'hui que c'est vrai. Le gouvernement russe a confirmé sa présence dans le pays mardi.

Nathan : "À quoi pourrait ressembler le nouveau modèle de gouvernance pour une Syrie post-Assad ?"

Quand Bachar al-Assad était au pouvoir, les forces d'opposition étaient retranchées dans le nord du pays, à Idlib. Ils avaient leur gouvernement, leur Premier ministre. On peut imaginer que c'est ce système qui va être conservé durant les premiers mois, explique Claude Guibal. "Pour les trois prochains mois, il y a ce Premier ministre qui est chargé d'administrer les affaires courantes en attendant début mars le début d'un processus constitutionnel, de refonte de la Constitution qui devrait être lancé d'ici trois mois".

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