Arrêts-maladie : les femmes seront-elles davantage pénalisées que les hommes par l'allongement du délai de carence dans le public ?
Le volet "dépenses" du projet de loi de finances (PLF) 2025 a commencé à être examiné lundi en commission des Finances à l'Assemblée nationale. Il prévoit notamment d'allonger le délai de carence dans la fonction publique pour le passer à trois jours au lieu d'un seul, comme dans le privé. Cela ne ferait commencer l'indemnisation des arrêts-maladie qu'à partir du quatrième jour de l'arrêt, ce qui représenterait près de 300 millions d'euros d'économies pour l'État.
Mais "ça va défavoriser principalement les femmes qui sont majoritaires dans la fonction publique et qui sont très concernées par les arrêts courts", a alerté la secrétaire générale de la CGT sur RMC et BFMTV mardi 29 octobre.
Plus de femmes dans la fonction publique
Alerte lancée aussi par Aurélien Rousseau, ex-ministre de la Santé, qui appelle sur X à "ne pas s'aveugler" : "Deux tiers des fonctionnaires sont des femmes. Elles seront les premières touchées par l’allongement de la carence. Endométriose, règles douloureuses, ménopause…" Alerte appuyée aussi sur X par Laurence Rossignol, ancienne ministre des Droits des Femmes, qui interpelle directement le ministre de la Fonction publique Guillaume Kasbarian : "Monsieur le Ministre, j’ai un message pour vous. Les femmes atteintes d’endométriose et de douleurs menstruelles graves perdent déjà plusieurs jours de salaire par an à cause du délai de carence. Avec vous, elles seront encore plus nombreuses et perdront encore plus". Et en effet, Sophie Binet, Aurélien Rousseau et Laurence Rossignol ont raison : les femmes seront davantage pénalisées que les hommes, et pour plusieurs raisons.
Déjà, il est vrai qu'il y a davantage de femmes dans la fonction publique. Elles représentent 64% des effectifs en 2022, contre 46% de ceux du privé, selon un rapport publié en juillet par l'Inspection générale des finances et l'Inspection générale des affaires sociales. Ainsi, mathématiquement, si les femmes sont plus nombreuses dans la fonction publique, elles sont donc davantage concernées par une mesure qui concerne les salariés du public.
Les femmes s'arrêtent plus que les hommes
De plus, il est vrai aussi que les femmes ont davantage d'arrêts-maladies de courte durée que les hommes. Elles ont d'ailleurs davantage d'arrêts-maladies que les hommes en général : quasiment 12 jours d'absence par an en 2022 pour les femmes, contre huit jours pour les hommes.
Pour expliquer cette différence entre femmes et hommes, ce rapport en cite un autre, plus ancien, publié en 2014 par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), le service de statistique du ministère de la Santé, qui ne s'intéresse qu'aux arrêts-maladie qui sont indemnisés. Cette étude affirme que "les grossesses expliquent 37% des différences d'arrêt maladie indemnisés entre femmes et hommes âgés de 21 à 45 ans". L'étude avance d'autres facteurs. Cette différence est aussi due au fait que les femmes subissent davantage la tension au travail et qu'elles prennent aussi davantage soin de leur santé, les hommes ayant tendance à ne pas s'arrêter quand ils sont malades.
L'Insee confirme une pénalisation financière plus importante
En juillet dernier, l'Insee a publié une analyse qui vient confirmer les craintes de Sophie Binet. Elle fait le bilan de l'instauration d'un jour de carence dans l'Éducation nationale en 2018 et elle en conclut que "les femmes sont davantage pénalisées financièrement par l'application du jour de carence", pour toutes les raisons évoquées ci-dessus. Sachant que les femmes occupent des postes moins bien rémunérés que les hommes, l'impact financier de ce jour de carence s'est donc encore plus fait ressentir.
Le ministre de la Fonction publique, Guillaume Kasbarian, qui porte ce projet d'allongement du délai de carence dans la fonction publique, a été interrogé sur la pénalisation des femmes mardi 29 octobre sur RTL. "Je ne prends pas cette décision par plaisir", a-t-il répondu, estimant que "les femmes existent aussi dans le privé, les femmes victimes d'endométriose existent également dans le privé" et qu'il ne voulait "pas faire de différence entre une femme victime d'endométriose dans le privé et une femme victime d'endométriose dans le public".
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