Le vrai du faux. Les policiers et les gendarmes sont-ils les fonctionnaires les plus sanctionnés, comme l'affirme Gérald Darmanin ?
Le ministre de l'Intérieur a affirmé vendredi 24 mars que les forces de l'ordre étaient particulièrement surveillées et sanctionnées, alors qu'elles sont accusées de violences en marge des manifestations contre la réforme des retraites.
Les accusations de violences policières ont envahi les réseaux sociaux ces derniers temps. Un nouveau scandale a éclaté avec la diffusion de l'enregistrement audio de l'interpellation de sept personnes, en marge d'un rassemblement spontané à Paris contre la réforme des retraites lundi 20 mars. On y entend des policiers de la BRAV-M insulter, menacer et frapper des manifestants.
Dans ce contexte, le ministre de l'Intérieur a tenu à recontextualiser les choses. Vendredi 24 mars, Gérald Darmanin a affirmé sur Cnews que "les policiers et les gendarmes sont les personnes les plus sanctionnées de tous les fonctionnaires parce qu'on les regarde particulièrement, parce qu'ils ont la force légitime, parce qu'ils sont armés et parce qu'ils ont un devoir d'exemplarité".
Gérald Darmanin : «On a recensé, hier, 903 feux de mobilier urbain ou de poubelles à Paris, 457 interpellations partout en France, 441 policiers et gendarmes blessés» dans #LaMatinale pic.twitter.com/BI1bXgQ1u5
— CNEWS (@CNEWS) March 24, 2023
2 100 sanctions contre les policiers, 2 800 contre les gendarmes
Le ministre de l'Intérieur dit vrai, en tout cas en ce qui concerne les policiers au sein de la fonction publique d'Etat. Selon le dernier rapport annuel du ministère de la Transformation et de la fonction publiques, 3 520 sanctions ont été prononcées à l'encontre de fonctionnaires d'Etat en 2021. Parmi elles, 2 162 visaient des policiers, selon le rapport 2021 de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN). Autrement dit, deux tiers des sanctions disciplinaires dans la fonction publique d'Etat sont pour des policiers, ils sont donc bien les plus sanctionnés.
Les gendarmes étant des militaires avec un statut particulier, ils ne font pas partie de ce décompte de la fonction publique d'Etat. On observe tout de même que les gendarmes, qui sont moins nombreux que les policiers, reçoivent davantage de sanctions : 2 807 en 2021, selon le dernier rapport de l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN).
Néanmoins, ces chiffres ont des limites. On notera déjà que les policiers sont aussi les plus armés des fonctionnaires d'Etat et les plus susceptibles de commettre des violences. De plus, on ne sait pas si des policiers ou des gendarmes ont été sanctionnés plusieurs fois. Le nombre de signalements de tous les fonctionnaires d'Etat n'est pas connu, ainsi, il n'est pas possible de dire si les policiers sont les fonctionnaires les plus signalés ou non, il n'est pas non plus possible de connaître la proportion de signalements qui aboutit à une sanction, et donc si l'institution policière est plutôt sévère ou plutôt clémente. Par ailleurs, il n'est pas possible de savoir quelle sanction est donnée pour quel manquement.
Moins de sanctions pour les policiers que dans les années 1990
Les policiers sanctionnés reçoivent pour plus de la moitié de simples avertissements (1 159) et pour un tiers de blâmes. Selon des chiffres publiés par Libération , obtenus après que le journal a eu gain de cause auprès de la Commission d'accès aux documents administratifs, l'institution policière n'a prononcé que 200 exclusions temporaires en 2021 : 87 exclusions pour un à trois jours, 5 pour quatre à quinze jours et 96 pour seize jours à deux ans. Il y a eu peu de radiation de cadres (28), de révocations (34) et très peu d'exclusions définitives (4).
Ces chiffres permettent aussi de voir que les sanctions envers les policiers ont connu un rebond en 2021, alors qu'elles étaient en baisse quasi-constante depuis un pic à 3 423 sanctions disciplinaires en 2008. Pour comparer, 1 709 sanctions ont été prononcées en 2020, 1 678 en 2019, 2 030 en 2018, 2 070 en 2017. Mais si l'on remonte plus loin dans le temps, on constate qu'il y a moins de sanctions administratives aujourd'hui que dans les années 1990 : 2 391 en 1990, 2 623 en 1991 ou encore 2 336 en 1992.
Quant aux gendarmes sanctionnés, ils écopent en majorité d'arrêts (2 170) allant d'un à plus de 30 jours. Suivent les consignes (231), les avertissements (147), les blâmes (94), les blâmes du ministre (65) et les réprimandes (50). Ce qui leur est le plus reproché est leur manière de servir, des infractions au règlement, des fautes comportementales, leur ivresse ou des insultes. Mais les catégorisations des manquements n'étant pas les mêmes que les policiers, il n'est pas vraiment possible de comparer les comportements des uns et des autres ni de savoir si les gendarmes ont davantage de sanctions que les policiers parce qu'ils fautent plus ou parce que la gendarmerie est plus sévère.
Dix fois plus d'enquêtes judiciaires visant des policiers
Le ministre de l'Intérieur ne parle que des sanctions administratives, car elles permettent de comparer les fonctionnaires, mais les policiers et les gendarmes sont aussi visés par sanctions et des enquêtes judiciaires. La police des polices explique dans son rapport ne pas avoir le nombre total des condamnations pénales visant des policiers au niveau de tout le territoire national. L'IGGN ne communique pas non plus ce chiffre.
Par ailleurs, les deux institutions, IGPN et IGGN, ne sont pas saisies de toutes les affaires judiciaires qui concernent des policiers et des gendarmes. Mais on constate tout de même que l'IGGN a mené 111 enquêtes judiciaires impliquant des gendarmes en 2021, dix fois moins que l'IGPN qui a été saisie de 1 093 accusations visant des policiers la même année. Un chiffre globalement stable, mise à part l'année 2019 où les saisies avaient fortement augmenté pendant le mouvement des "gilets jaunes" (1 460 enquêtes judiciaires menées par l'IGPN).
La police des polices qui a été saisie de 17 enquêtes judiciaires depuis le début de la mobilisation contre la réforme des retraites le 19 janvier dernier.
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