Un dangereux nuage de gaz "corrosif et acide" est-il en train de survoler la France ?

Plusieurs internautes alertent sur la présence d'un épais nuage de dioxyde de soufre au-dessus de la France, sans que personne n'en parle. Or, il n'y a pas de raison de s'inquiéter.
Article rédigé par Armêl Balogog
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Le volcan islandais Sundhnuksgigarod, en éruption le 23 août 2024. (- / PUBLIC DEFENSE DEPARTMENT OF THE / VIA AFP)

"Faites attention aujourd'hui, prévient Silvano Trotta sur X lundi 26 août au matin, la France sera plongée dans le nuage de dioxyde de soufre". L'entrepreneur aux 200 000 abonnés, habitué de la diffusion de fausses informations, avait déjà alerté la veille sur ce nuage. Selon lui, "les Britanniques ont été avertis de rester à l'intérieur de chez eux alors qu'un nuage de gaz corrosif et acide [provoqué par l'éruption volcanique du 22 août en Islande], qui peut causer de graves problèmes de santé, engloutit le Royaume-Uni". Alarmiste, il se demande si "ce nuage de gaz, comme celui de Tchernobyl, s'arrête aux frontières ?" 

Or, non seulement ce nuage n'est pas dangereux mais en plus il n'a pas survolé l'Hexagone.

Prévisions d'un nuage diffus et en haute altitude

Le conspirationniste partage une capture d'écran inquiétante de l'application Windy, spécialisée dans la prévision météorologique. Elle montre un épais nuage de dioxyde de soufre (SO2), représenté en rouge, passer en effet au-dessus du Royaume-Uni et de la France, laissant craindre de graves retombées sur la santé, des troubles respiratoires voire des irritations.

Mais la couleur est trompeuse car, en réalité, "le taux de SO2 est limité et ne représente pas de danger pour la santé", assure le météorologiste Guillaume Séchet sur X, d'autant que le SO2 a tendance à se disperser et donc à être peu concentré. Or, "il faut qu'il y ait des centaines de microgrammes par mètre cube pendant plusieurs heures pour que ce soit dangereux, notamment pour les bébés et les personnes asthmatiques, explique à franceinfo Marie Boichu, chercheuse au laboratoire d'optique atmosphérique du CNRS et de l'université de Lille. Là, on est à quelques microgrammes par mètre cube". 

>> Lire aussi : "Le nuage de soufre lié à l'éruption d'un volcan en Islande est-il dangereux pour la santé en France ?"

D'ailleurs, la carte ne représente pas le taux de pollution au dioxyde de soufre dans l'air que l'on respire. Elle reprend les anticipations du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme, qui met en ligne sa propre carte. Mais en manipulant cette dernière, l'on s'aperçoit qu'elle montre les prévisions de la concentration de dioxyde de soufre non pas uniquement à la surface de la Terre mais dans une sorte de colonne qui part de la surface de la Terre et monte tout en haut de l'atmosphère. Si l'on ne regarde que l'air à la surface de la Terre, celui que l'on respire, les concentrations de dioxyde de soufre devaient en réalité être à peine plus élevées que d'habitude (toujours représentées en bleu – la meilleur qualité d'air – voire en vert – un air toujours de bonne qualité).

En réalité, les prévisions estimaient que le nuage de dioxyde de soufre allaient passer à plusieurs kilomètres au-dessus de nos têtes, sans atterrir dans nos poumons. Il n'y avait donc pas de raison de s'inquiéter. Par ailleurs, contrairement à ce qui a été écrit, les Britanniques n'ont pas été appelés à rester chez eux par les autorités. Cette fausse information vient d'un gros titre mensonger du tabloïd Daily Mail, dont la rigueur et la fiabilité sont tellement douteuses que le journal a été banni des sources de Wikipedia en 2017 comme le rapportait Le Monde.

Le nuage n'a pas survolé la France

Par ailleurs, tout ceci n'était que des prévisions et "les observations satellitaires disponibles depuis cette éruption ne confirment pas cette prévision", assure Météo France à franceinfo. "Différents instruments à bord de satellites ont montré que ce panache de SO2 avait circulé en altitude (entre 4 et 7 km d’altitude) au-dessus des Îles Britanniques le 24 août, et se trouvait au large de la Norvège le 25 août 2024. Des quantités très faibles ont également été détectées à haute altitude sur le nord de la France et le Benelux le dimanche 25 août."

"Avec les observations disponibles à cette heure, le nuage se trouve toujours au large de la Norvège, et ces instruments satellitaires ne détectent pas de présence significative de SO2 sur l’Hexagone", continue le service public de météorologie et de climatologie. En effet, le Support to Aviation Control Service (SACS) de l'institut belge pour l'aéronomie représentait le nuage de dioxyde de soufre toujours à côté du pays scandinave lundi soir.

Geod'air, la plateforme française de données sur la qualité de l'air, montre des taux de dioxyde de soufre dans l'Hexagone largement en-dessous du seuil d'alerte de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) fixé à 40 μg/m3 sur 24 heures. Même constat sur les cartes du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme suivant la pollution de l'air, et sur la plateforme Prev'Air. En résumé : l'éruption islandaise n'a pas de raison d'inquiéter les Français.

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