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Vrai ou faux
65 professionnels de santé sont-ils victimes de violences tous les jours, comme l'assure Agnès Firmin-Le Bodo ?
"Malheureusement, nous aimerions ne pas avoir à traiter ce sujet mais c'est un fait", a regretté Agnès Firmin-Le Bodo dans le 8h30 de franceinfo, mercredi 13 décembre. La ministre déléguée aux Professions de santé va lancer une campagne de sensibilisation aux violences ciblant les professionnels de santé, le 19 décembre prochain. Sur franceinfo, elle a donné en quelques mots une estimation du nombre de soignants agressés tous les jours en France : "De trop nombreux professionnels, 65 par jour, subissent des violences", a-t-elle dit. Vrai ou faux ?
64 victimes, toutes professions confondues, dans les établissements de santé en 2022
C'est plutôt vrai. Contacté par franceinfo, les services d'Agnès Firmin-Le Bodo expliquent avoir trouvé ce chiffre en divisant le nombre de professionnels victimes de violences au sein des établissements de santé par le nombre de jour que compte une année, en s'appuyant sur les derniers chiffres de l'Observatoire national des violences dans les milieux de santé (ONVS) repris dans le plan pour la sécurité des professionnels de santé présenté par la ministre en septembre dernier. Selon lui, en 2022, environ 23 500 professionnels ont déclaré avoir été victimes de violences dans des établissements de santé, soit 64 victimes par jour, à peu près ce que dit la ministre déléguée aux Professions de santé.
Néanmoins, ce chiffre ne comporte pas que les soignants, il comprend aussi les personnels administratifs. Ce n'est pas encore possible de connaître des chiffres détaillés par type de profession pour l'année 2022, car l'ONVS n'a pas encore publié son rapport annuel détaillé.
En revanche, le dernier rapport publié par l'ONVS permet de connaître ces détails pour l'année 2021. Cette année-là, il y eût environ 24 500 personnels victimes d'atteintes aux personnes dans les établissements de santé, dont 22 800 soignants, soit 62 soignants victimes par jour. En comparaison, il y eût quatre personnels administratifs victimes par jour la même année. Il faut ajouter à ces 24 500, les autres victimes : les patients (2 400), les agents de sécurité (1 200) ou encore les visiteurs (220). Au total, toutes catégories confondues, les atteintes aux personnes ont fait près de 30 000 victimes en 2021 dans les milieux de santé.
Les infirmiers, profession la plus visée par les violences
On note qu'il y a moins de signalements que de victimes d'atteintes aux personnes, car il y a parfois plusieurs victimes pour un même fait. Ainsi, 17 700 signalements d'atteintes aux personnes ont été faits dans l'année 2021, soit 48 signalements par jour. De la même façon, certains signalements concernent plusieurs types d'atteintes.
En 2021, près de la moitié des signalements concernaient des faits assez graves avec des violences physiques (8 300 cas) ou des violences avec arme (500 cas). Les insultes arrivaient en seconde position avec 5 700 cas signalés, puis les menaces en troisième position avec 3 200 cas signalés. Les agresseurs accompagnant souvent leurs violences de reproches sur la prise en charge médicale, sur un éventuel refus de soin ou encore sur un temps d'attente jugé excessif.
Les secteurs les plus touchés par les atteintes aux personnes sont la psychiatrie, les urgences, les Ehpad et les cabinets médicaux. Quasiment la moitié des victimes étaient des infirmiers et infirmières en 2021. Les médecins représentaient 8% des victimes. Le reste, quasiment la moitié également, rassemble plusieurs professions médicales ou paramédicales. Les trois quarts des soignants victimes sont des femmes, tandis que les deux tiers des auteurs d'atteintes aux personnes sont des hommes. Il s'agit en grande majorité de patients mais aussi de visiteurs, voire, bien plus rarement, d'autres soignants ou personnels administratifs.
Des données pas exhaustives
Les violences en milieu médical ont-elles pour autant augmenté ? Difficile à dire en réalité car l'Observatoire national des violences en milieu de santé, créé en 2005, a récemment changé de méthode de comptage. Jusqu'en 2019, il ne prenait en compte que les violences dans les établissements de santé du type hôpital et sur la voie publique. Depuis 2020, il inclut aussi les violences commises dans les cabinets en ville. Ce n'est donc pas possible de comparer les rapports de 2005 à 2019 aux années suivantes.
On peut tout de même constater que les signalements ont augmenté entre 2015 et 2019 par exemple, passant de 19 300 à 34 900 victimes d'atteintes aux personnes, toutes catégories confondues, qu'il s'agisse de soignants, d'agents administratifs, d'agents de sécurité ou de patients. On peut aussi constater qu'en 2020, alors que les critères pour déclarer les violences avaient été élargis, le nombre de victimes avait diminué par rapport à l'année précédente, passant à 28 000 victimes.
Mais ces variations annuelles sont à interpréter avec précaution car les rapports de l'ONVS ne sont pas du tout exhaustifs. Ils reposent entièrement sur la base du volontariat : les établissements peuvent, s'ils le souhaitent, lui faire remonter les cas d'atteintes aux personnes. Chaque année, un nombre différent d'établissements accepte de participer aux rapports. En 2019, 450 établissements y ont participé, soit moins de 8% de la totalité des milieux de santé. Un échantillon qui n'est pas représentatif mais qui est plus grand que les années précédentes et que les années suivantes. Seulement 380 établissements y ont participé en 2020.
Cela revient donc à dire qu'il y a eu 77 victimes par établissement qui a fait remonter des violences à l'ONVS en 2019, tandis qu'en 2020, en pleine pandémie de Covid-19 et alors que le contexte s'est tendu autour de la question médicale et notamment de la vaccination, cette proportion a pourtant baissé : il y eût 73 victimes par établissement qui a fait remonter des violences à l'ONVS. Sauf qu'on ne peut pas en tirer de conclusion, puisque les établissements ne sont pas représentatifs de l'ensemble. Les chiffres de l'ONVS ne donnent en réalité qu'un aperçu de ce qu'il se passe dans les milieux de santé.
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