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Vrai ou faux
Est-ce qu’un tiers des femmes doivent changer de département pour avorter en France, comme l'affirme Manon Aubry ?
Les députés ont approuvé à une large majorité dans la nuit de mercredi à jeudi le principe d’inscrire, dans la Constitution, la "liberté garantie à la femme" d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse (IVG). Ce vote devra être confirmé mardi 30 janvier par un vote solennel à l’Assemblée nationale, avant que le Sénat ne se penche à nouveau sur le texte. Dans ce contexte, l’eurodéputée La France insoumise Manon Aubry a affirmé sur Europe 1 qu’en France, "un tiers des femmes doivent changer de département pour avorter parce qu’elles n’arrivent pas à avoir de rendez-vous". Est-ce vrai ? La cellule vrai ou faux a vérifié.
En 2022, une femme sur six a changé de département pour avorter en France
Le chiffre donné par Manon Aubry n’est pas correct. Selon la DRESS, le service statistique du ministère de la Santé, une femme sur six, en France, a changé de département pour avorter en 2022 (17,2%). Il y a de grandes disparités sur le territoire. Dans l’Ain ou en Ardèche, près de la moitié des femmes sont sorties de leur département pour avorter en 2022. Elles étaient moins de 5% dans le Bas-Rhin ou dans les Pyrénées-Orientales.
Plusieurs raisons expliquent ces déplacements. Il y a d’abord la question de la confidentialité : certaines femmes préfèrent avorter loin de chez elle, pour ne pas croiser de voisin ou de collègue. D’autres aussi changent de département parce que l’hôpital ou le cabinet le plus proche de chez elle se situe dans le département voisin, à quelques kilomètres. Mais souvent, les femmes se déplacent pour avorter parce qu’elles n’ont pas trouvé, dans un délai court, de consultation près de chez elles.
Des déserts médicaux et un désintérêt des praticiens
Dans un rapport parlementaire datant de 2020, les députées Marie-Noëlle Battistel et Cécile Muschotti assurent que "les infrastructures ne sont pas à la hauteur des besoins dans certains départements, ce qui engendre des inégalités territoriales qui sont difficilement acceptables". Le ministère de la Santé reconnait aussi dans un rapport publié en 2019 qu’il existe des "zones de tension" dans toutes les régions françaises, à cause du manque de médecins. Mais le ministère assure que ces difficultés restent "ponctuelles" et qu’il n’existe pas de "zone blanche" où l’accès à l’IVG ne serait pas possible.
Certaines femmes peinent aussi à trouver, dans un délai court, une consultation pour avorter près de chez elles parce que tous les médecins ne pratiquent pas l’IVG, un acte médical peu valorisé et peu rémunéré. "La principale explication aux difficultés d’accès à l’IVG résulte essentiellement du désintérêt à l’égard d’un acte médical peu valorisé et considéré comme peu valorisant", écrivent les députées dans leur rapport. Selon la DRESS, en 2018, 1 725 médecins et 248 sages-femmes ont réalisé des IVG en cabinet libéral. "Rapporté au nombre de praticiens installés en cabinet, cela représente 2,9% des généralistes et gynécologues et 3,5% des sages-femmes", précise le rapport parlementaire.
Sept jours d'attente en moyenne pour obtenir une consultation
En France, le délai moyen pour avorter est de sept jours, selon le ministère de la Santé. Il peut même dépasser dix jours par endroit. Il y a encore une fois des disparités régionales : les délais sont plus courts en Occitanie ou dans les Pays-de-la-Loire et plus longs dans les Hauts-de-France ou en Provence-Alpes-Côte d’Azur. La Haute autorité de Santé préconise pourtant cinq jours d’attente maximum. Les délais sont encore plus longs pendant les vacances, quand les médecins prennent leurs congés.
Dans une enquête menée à l’été 2023 auprès de ses 80 antennes départementales, le Planning familial a pointé du doigt les difficultés pour accéder à l’avortement. L’association assure que des femmes ont dû faire plus d’une heure de voiture pour avoir accès à une IVG médicamenteuse en Bretagne ou que d’autres ont dû attendre plusieurs semaines pour obtenir un rendez-vous. "C’est ça la réalité de l’IVG en France en 2023 et c’est inadmissible", explique Sarah Durocher, présidente nationale du Planning familial, à France Inter. D’après le Planning familial, 130 centre IVG ont été fermés en 15 ans en France.
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