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Vrai ou faux
Guerre Israël-Hamas : les dons à l'armée israélienne sont-ils défiscalisables ?

Plusieurs internautes se disent scandalisés par l'existence d'une "niche fiscale" pour défiscaliser les dons faits à l'armée israélienne, alors que la guerre entre Israël et le Hamas a fait des milliers de morts de part et d'autre depuis un mois.
Article rédigé par Armêl Balogog
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
Un soldat israélien est assis sur un char stationné dans la région occidentale de la Galilée, près de la frontière nord d'Israël avec le Liban, le 30 octobre 2023. (JALAA MAREY / AFP)

"Incroyable ! Il y aurait donc en France une niche fiscale qui permettrait de s'alléger de l'impôt en finançant une armée génocidaire en Palestine ?", s'interroge un internaute sur le réseau social X, scandalisé d'apprendre que les dons à l'armée israélienne seraient défiscalisables, en pleine guerre entre Israël et le Hamas.

"Donc un sioniste qui soutient le massacre de civils sera remboursé par notre argent à nous, Français ?", renchérit Radia Ayad, la fondatrice du mouvement Stop Musulmanophobie. Un troisième internaute demande des explications au président de la République Emmanuel Macron, à la Première ministre Élisabeth Borne et au ministre de l'Économie Bruno Le Maire. Et plusieurs dizaines encore partagent la même indignation, en dénonçant une vidéo de l'avocate Sarah Saldmann qu'ils accusent d'appeler à financer le "nettoyage ethnique à Gaza".

Mais est-ce vrai ? Les dons à l'armée israélienne sont-ils vraiment défiscalisables ? Et à quoi a vraiment appelé Sarah Saldmann ?

Non, les dons directs à l'armée israélienne ne sont pas défiscalisables

En vérité, non, les dons directs à l'armée israélienne ne sont pas défiscalisables, comme l'avait expliqué Christian Eckert, alors secrétaire d'État au Budget et aux Comptes publics, à la sénatrice centriste Nathalie Goulet en 2016.

En mars 2016, celle-ci avait transmis une question au secrétaire d'État pour contester une "niche fiscale payée par le contribuable français au profit d'une armée étrangère", selon ses mots. Elle attirait son attention "sur la réglementation actuelle qui permet aux Français et Françaises qui font des dons à l'armée israélienne (Tsahal) de défiscaliser leurs dons et leur donne le droit à 60% de réduction d'impôts, dans la limite de 20% du revenu imposable". Nathalie Goulet demandait une explication sur ce qu'elle estimait être "une disposition exorbitante du droit commun". Question qui lui a valu d'être la cible de menaces de mort, comme le rapportait le journal Le Parisien à l'époque.

Six mois plus tard, Christian Eckert avait fini par répondre qu'une telle niche fiscale n'existait pas. "Le dispositif fiscal du mécénat est réservé aux seuls organismes dont le siège est situé en France, dans un État membre de l'Union européenne ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale, à l'exclusion donc des organismes établis hors de cette zone. Dans le cas mentionné par l'auteur de la question, les dons ne sont donc pas éligibles au régime fiscal du mécénat", expliquait-il. 

Mais les dons indirects, via des associations, oui

En revanche, des associations proposent de défiscaliser des dons faits indirectement à l'armée isrélienne, notamment l'association Torah Box. Une pratique pourtant illégale selon le ministère de l'Économie, contacté par Checknews.

Ces associations remplissent les critères établis par la France – et listés ici par le ministère de l'Économie – qui permettent de donner droit à une déduction d'impôt sur le revenu de 66% à 75% du montant versé, dans la limite de 20% du revenu imposable. Elles ont "un but non lucratif", ont "un objet social et une gestion désintéressée" et ne fonctionnent pas "au profit d'un cercle restreint de personnes". Elles respectent aussi la loi de 1901 et sont reconnues d'intérêt général ou d'utilité publique pour les différentes actions qu'elles mènent, sociales ou humanitaires. 

Autrement dit, en l'état, il est possible de défiscaliser les dons aux profits de ces associations qui soutiennent les Israéliens, dont leurs soldats, au même titre qu'il est possible de défiscaliser les dons, via des associations françaises, en faveur des habitants de Gaza, ou en général d'Unicef France, des Restos du cœur, du Téléthon, ou de toute association reconnue d'utilité publique.

En 2014 déjà, le chercheur au CNRS Laurent Bonnefoy interrogé par RFI disait qu'il fallait revoir la législation en vigueur pour mieux régir les déductions fiscales liées aux dons. Cette année-là, une collecte de l'association Tsidkat Eliaou visant à soutenir les soldats israéliens avait fait polémique, déjà sur fond de conflit israélo-palestinien. La campagne était jugée "indécente" par Saphir News, un site d'information sur l'actualité des musulmans de France.

La vidéo de Sarah Saldmann sortie de son contexte

Quant à la vidéo de l'avocate Sarah Saldmann, qui est largement relayée sur les réseaux sociaux par ceux qui dénoncent cette disposition légale, elle est vraie. On y voit l'avocate dire notamment que "sur le terrain, il y a des soldats qui risquent chaque jour leur vie" et expliquer que "pour faire un don, c'est très simple et en plus vous bénéficiez d'une réduction donc vraiment ça ne coûte pas grand-chose".

Mais la vidéo est sortie de son contexte. Relayée sans la date, elle a en réalité été publiée un mois plus tôt. Contactée par franceinfo, Sarah Saldmann explique : "J'ai effectivement publié cette vidéo le 10 octobre [sur le réseau social TikTok] et non pas le 12 novembre. Le contexte était complètement différent et c'était pour soutenir quelqu'un de très proche. C'était sous le coup de l'émotion."

L'avocate parisienne voulait en effet soutenir le fils de son confrère Olivier Pardo, qui est mobilisé dans une unité d'élite de l'armée israélienne, comme il en a témoigné sur BFMTV. Au moment où Sarah Saldmann a publié sa vidéo, trois jours après l'attaque terroriste du Hamas qui a fait des centaines de morts en Israël et a provoqué un véritable choc dans la communauté internationale, plusieurs cagnottes avaient été lancées, des reportages et des témoignages expliquaient que les réservistes ou les volontaires venus aider l'armée israélienne manquaient d'équipements. À ce moment-là, l'appel aux dons de Sarah Saldmann n'avait pas choqué, note-t-elle.

Sa vidéo a finalement été ressortie un mois plus tard sur les réseaux sociaux alors que le contexte est différent et que les conséquences mortelles de la riposte israélienne envers le Hamas sur la bande de Gaza sont de plus en plus critiquées, voire condamnées. Dans ce contexte, sa vidéo prend une autre couleur. Mais Sarah Saldmann n'est pas sûre qu'elle l'aurait faite aujourd'hui. Elle ne voulait pas avoir l'air d'appeler à faire de l'optimisation fiscale sur le dos de cette guerre. Elle a finalement décidé de la masquer de son compte TikTok.

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