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Vrai ou faux
Le nombre de bénéficiaires du congé parental a-t-il été divisé par dix depuis 2015, comme l’affirme Aurore Bergé ?
Emmanuel Macron veut réformer le congé parental pour le transformer en "congé de naissance". Une pause plus courte mais "mieux rémunérée", pour permettre "aux deux parents d’être auprès de leur enfant pendant six mois s’ils le souhaitent", a annoncé le chef de l’État lors de sa conférence de presse à l’Élysée, mardi 16 janvier. Le congé parental est différent du congé de maternité ou de paternité : il s’agit d’un arrêt de travail de longue durée, indemnisé 428,79 euros par mois, pour permettre aux parents de s’occuper de leur enfant.
À l’occasion de cette annonce du chef de l’État, la ministre déléguée à l’Égalité femmes-hommes, Aurore Bergé, en a profité pour critiquer la dernière réforme du congé parental, mise en place en 2015, lors du mandat de François Hollande : "Le nombre de recours à ce congé, le nombre de femmes et d’hommes qui s’arrêtent a été divisé par dix depuis cette réforme", a-t-elle affirmé sur Sud Radio mercredi. Vrai ou faux ?
Le nombre de bénéficiaires du congé parental a été divisé par à peine plus de deux depuis 2015
Aurore Bergé se trompe dans les chiffres. Si nous reprenons les données de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), dans son dernier Observatoire national sur la petite enfance, environ 460 000 parents avaient opté pour un congé parental en 2015. En 2022, ils étaient 220 700. Le nombre de bénéficiaires a donc été divisé par à peine plus de deux.
Cette baisse du nombre de bénéficiaires était d’ailleurs visible bien avant la réforme, dès 2006. C’est une tendance de fond. Le congé parental attire de moins en moins. La principale raison avancée est le faible montant de l’indemnité. Les parents assurent qu’ils ne s’y retrouvent pas financièrement. Le congé parental est aussi un dispositif considéré comme "peu lisible" et "mal adapté à certaines évolutions de la société", comme l'écrit l'Inspection générale des finances dans un rapport datant de 2019.
Une baisse du nombre de bénéficiaires, une tendance de fond mais aussi un "effet mécanique"
"Il y a aussi eu un effet mécanique avec la réforme", explique au micro de franceinfo Hélène Périvier, qui a co-écrit une étude sur le sujet pour l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). La loi sur l'égalité réelle entre les femmes et les hommes votée en 2014 et mise en place en 2015 a modifié la durée et la répartition du congé parental. Pour un premier enfant, la durée maximale est passée de six mois à partager entre les deux parents à six mois pour chaque parent, et à partir du deuxième enfant, la réforme a réduit de trois à deux ans la durée du congé parental pour un même parent, ce qui oblige l'autre à prendre une partie du congé pour couvrir la période jusqu'aux trois ans de l'enfant. L'idée était que les pères prennent le relais pour la troisième année. Mais, dans les faits, ils ne s'y sont pas du tout mis. Mathématiquement, le nombre total de bénéficiaires a donc chuté.
L’idée de cette réforme était, comme aujourd’hui avec la proposition d’Emmanuel Macron, de mobiliser davantage les hommes dans l’éducation des enfants et les tâches domestiques. Mais ça n’a pas fonctionné. Moins d’1% des pères demandent le congé parental, selon les données de l'OFCE. Le taux de recours a un tout petit peu augmenté après la réforme de 2015, mais reste très faible. D'après l’étude de l’OFCE, pour un congé parental à taux plein, le recours des pères est passé de 0,5 % à 0,8 % quel que soit le nombre d’enfants.
Moins de 1% des pères prennent un congé parental
Les chercheurs avancent plusieurs explications. Le montant de l’indemnité d’abord, qui n’incite pas les hommes à arrêter leur emploi. De nombreux pères ne savent pas non plus qu’ils ont le droit à ce congé longue durée. D’autres ne le demandent pas parce qu’ils jugent que c’est "une affaire de femme", pour reprendre les mots de l’étude de l’OFCE. C’est ce que les chercheurs appellent "l’effet genré du congé parental". Enfin, au travail, les collègues des pères ne demandent pas ce congé, ce qui les dissuade de le faire.
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