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Vrai ou faux
Le trafic routier et la pollution de l'air ont-ils baissé de 40% à Paris grâce au vélo, comme l'affirme Anne Hidalgo ?

La maire socialiste de Paris Anne Hidalgo tire un bilan positif du développement des pistes cyclables et de l'essor du vélo dans la capitale sur la baisse de la circulation automobile et de la pollution. Ses propos sont plutôt vrais mais leur présentation est trompeuse.
Article rédigé par Armêl Balogog
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
Anne Hidalgo, maire de Paris, le 28 août 2023 (CHRISTOPHE PETIT TESSON / EPA)

C'est l'éternel débat sur la place des voitures et des vélos dans la capitale. La maire socialiste de Paris Anne Hidalgo s'est félicitée vendredi 29 septembre sur X, anciennement Twitter, que "pour protéger notre planète et notre santé, Paris se transforme avec toujours plus de pistes cyclables et de Parisiens qui préfèrent le vélo à la bagnole", référence à peine voilée au président de la République Emmanuel Macron qui a déclaré "adorer la bagnole" lors d'une interview sur TF1 et France 2 dimanche 24 septembre.

"Et quel succès, s'est réjouie l'élue locale, en dix ans, le trafic routier a baissé de 40%, comme la pollution de l'air !" Dits comme cela, les propos d'Anne Hidalgo peuvent paraître vrais, au moins sur la baisse du trafic routier, mais ceux portant sur la pollution sont en réalité assez trompeurs. Explications.

35% de voitures en moins en dix ans à Paris

La maire de Paris gonfle un petit peu les chiffres sur la réduction du trafic routier. Selon les données collectées par les plus de 700 capteurs de la direction de la voirie de la municipalité, placés sur 210 km de routes, le volume de circulation automobile a en réalité diminué de 35% en dix ans, en passant de 935 véhicules par kilomètre par heure en 2011 à 600 en 2021. 

Mais la baisse du trafic routier avait commencé bien avant, et donc avant l'élection d'Anne Hidalgo à la tête de la capitale en 2014. En 2002, les capteurs comptaient en moyenne 1 187 voitures par kilomètre par heure. En environ 20 ans, le volume de la circulation automobile a donc baissé de moitié.

Baisse des pollutions aux particules fines et dioxyde d'azote

En ce qui concerne la pollution de l'air à Paris, les propos de la maire sont trop vagues et ne permettent pas de savoir ce à quoi ils correspondent. Parle-t-elle seulement de Paris ou de l'Île-de-France ? De particules fines ou d'azote ? De pollution en général ou seulement près des axes routiers ?

Contacté par franceinfo, AirParif donne des chiffres plus précis, dont certains correspondent à une baisse de 40% comme l'a dit l'élue et d'autres non. Selon l'organisme agréé par le ministère de l'Environnement pour surveiller la qualité de l'air en Île-de-France, environ 40% des particules fines les plus dangereuses, les PM2,5 ont disparu en dix ans entre 2012 et 2022 dans la région si l'on regarde ce qu'on appelle "la pollution de fond", c'est-à-dire celle de l'air que les Franciliens respirent, même loin des grands axes routiers, mais seulement environ 30% du dioxyde d'azote. 

Mais si l'on se concentre sur Paris, les chiffres sont quasiment inversés. Seule la pollution de fond au dioxyde d'azote a diminué de 40% en dix ans. Au contraire, les particules fines PM2,5 n'ont baissé que de 25%. Près des axes routiers, les taux de diminution de ces deux types de pollution sont plus hauts avec cinq points de baisse de plus. Selon AirParif, il faut toujours préciser de quelle pollution l'on parle, car on ne peut pas faire de moyenne entre les deux types.

Des causes multiples pas encore mesurables

Par ailleurs, ce n'est pas possible d'affirmer que la baisse de la pollution est due au développement du vélo, d'autant que, même si le nombre de pistes et de bandes cyclables augmentent régulièrement depuis les années 2000 à Paris, le nombre de vélos sur ces pistes n'a vraiment bondi qu'au début de la crise sanitaire en 2020, après une hausse très progressive les années précédentes. L'usage du vélo a augmenté de 60% entre 2019 et 2020, selon les relevés de la mairie. Il est ensuite resté stable en 2021.

En réalité, plusieurs facteurs expliquent la baisse de la pollution dans la capitale. "Évidemment que l'essor du vélo y contribue mais il n'y a pas que l'essor du vélo qui permet d'expliquer l'amélioration de l'air, souligne Antoine Trouche, ingénieur en charge des relations presse d'AirParif. Et pour l'instant, sur les dix dernières années, on n'est pas capables de pondérer quel est l'impact d'une mesure ou de l'autre."

L'organisme s'apprête à lancer une étude précisément sur cette question pour réussir à mesurer l'impact de chaque facteur indépendamment sur la baisse de la pollution. L'ingénieur en cite plusieurs qui ne sont pas forcément spécifiquement liés à la ville de Paris ni à l'action de la municipalité : le remplacement des véhicules anciens par des véhicules plus récents moins émetteurs de particules, voire par des véhicules électriques, soit en raison d'un désir personnel de l'automobiliste de renouvellement soit poussé par les incitations des pouvoirs publics, la mise en place de zones à faibles émissions (ZFE), la baisse de la vitesse de circulation, l'augmentation de l'utilisation de certains transports en commun (25% de plus d'usages du RER en 20 ans selon les chiffres clé du transport publiés par la mairie).

Mais la baisse de la pollution est aussi liée au changement des modes de chauffage, grâce à la sortie du fioul, l'amélioration des moyens de chauffage et l'isolation thermique de bâtiments notamment. 

Hausse de la pollution à l'ozone à cause du réchauffement climatique

Même si les niveaux de pollution baissent dans la capitale, AirParif tient à rappeler que ce n'est pas encore assez. Dans un rapport sur la mortalité liée à la pollution de l'air publié en février 2022, l'organisme agréé et l'Observatoire régional de santé (ORS) estiment que la pollution aux PM2,5 et au dioxyde d'azote causent 7 700 décès prématurés par an en France. C'est moins qu'il y a dix ans, mais, "même si on a une amélioration claire, on a toujours 7 700 décès prématurés de trop". La pollution de l'air est à l'origine de 1 780 décès prématurés rien qu'à Paris. Dans la capitale, "ça correspond à une perte d'espérance de vie pour chaque adulte de dix mois".

Pour contrebalancer la diminution de la pollution aux PM2,5 et au dioxyde d'azote, Antoine Trouche note également qu'au contraire les niveaux d'ozone ont augmenté d'environ 30% à Paris en dix ans. C'est une pollution qui se crée lors de la transformation d'autres polluants durant les périodes de fortes chaleur et de fort ensoleillement. Une pollution clairement liée au réchauffement climatique. En conclusion, "on baisse les émissions des polluants précurseurs de l'ozone, mais c'est allé moins vite que l'effet du changement climatique sur la pollution de l'atmosphère", conclut-il.

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