"Masdar", de Mathieu Terence
Nous vivrons non plus dans des métropoles, mais dans des mégapoles, et même des conurbations, c'est-à-dire des agrégations de villes proches qui en formeront une seule. Exemple : Lagos, au Nigeria, qui agglomérera 23 millions d'habitants, et un réseau de 300 villes de plus de 100.000 habitants. "Dans un contexte pareil ", note Terence, "le modèle de la ville européenne conçue comme une agglomération qui rassemble et intègre les individus est en voie de marginalisation. Vieux monde. " C'est déjà le cas, ajoute t-il : "il faut sept heures de voiture, remarque t-il, pour traverser Los Angeles ". Un monde de villes géantes reliées entre elles par des avions supersoniques, où l'on fera New York - Pékin en deux heures.
Une réflexion sur le monde à venir
Nous sommes bel et bien entrés, dit Mathieu Terence dans l'ère de la technosmose, une nouvelle époque où la technique et le vivant sont en train de fusionner, et on le voit par exemple en regardant l'importance qu'internet et nos Smartphones ont prise pour nous, et cette technosmose, elle bouleverse aussi notre cadre de vie. Pour essayer de comprendre un peu mieux ce qu'il en est concrètement, Mathieu Terence, qui est aussi un écrivain qui adore sillonner le monde, a décidé de se rendre dans l'une des nouvelles villes qui poussent dans le monde d'aujourd'hui, et il a choisi la ville de Masdar. Juste à côté d'Abou Dabi, c'est une ville à thème, comme Las Vegas. Masdar c'est "écologie city", une ville verte, qui a pour but d'être la vitrine des technologues dites propres, dont la construction a été décidée en 2006, et qui est en train de se bâtir.
La ville de Masdar
Evidemment les travaux ont bien avancé depuis 2006, cela se déploie sur une ancienne palmeraie qui a été rasée, et des pilotis plongent à 40 m de profondeur pour asseoir convenablement la ville, une ville sous vide, décrit Terence, avec des panneaux solaires, des façades en téflon et en aluminium, et puis aussi : "Adjacente au chantier, une ville dortoir pour les 2.000 ouvriers employés sur le site. Ils travaillent onze heures par jour, six ou sept jours sur sept. Ils sont nourris et blanchis, dépensent 50 euros par mois et en gagnent deux cents. Ils se rendent en navette sur le théâtre des opérations. Ils ne peuvent changer d'entreprise sans l'accord de leur direction et comme pour tout le petit personnel des Emirats, c'est leur patron qui détient leur passeport. L'esclavage est la condition du pharaonisme. "
Une réflexion sur la standardisation du monde
Mathieu Terence note une foule de choses dans ce petit livre vraiment passionnant, qui peut aussi se picorer. Il nous fait remarquer que bien sûr, on a beau jeu de dire que la mondialisation existe depuis Marco Polo, mais qu'il y a quand même une sacrée différence entre "acheter des produits locaux à l'étranger et lui vendre nos spécialités, ce n'est pas lui faire fabriquer pour des raisons de rentabilité des produits qui, par concentration, standardisent la consommation du monde et attente de ce fait à toute notion de localité. Ce n'est pas non plus faire acheter à ces pays-atelier, les biens de première nécessité qu'ils n'ont plus la latitude de produire eux-mêmes. "
C'est un livre qui va faire un peu mal à tous ceux qui pensent que le nouveau monde qui se dessine est forcément génial et porteur de progrès, et de lumière, mais c'est un livre qui nous rend un peu plus lucide, un peu plus humaniste et peut-être un peu plus intelligent.
Masdar , de Mathieu Terence, aux éditions Les Belles Lettres.
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