"Pierre Herbart, l'orgueil du dépouillement", de Jean-Luc Moreau
Si vous aimez le combat pour la vérité, l'aventure, l'honnêteté, l'opium, André Gide, le courage, le journalisme, Jean Cocteau, le style, la beauté, bref, la vie, vous adorerez ses livres.
Jean Luc Moreau, grand résurrecteur de Sartre, de Camus ou de Dominique de Roux, a choisi de ressusciter Herbart à travers une formidable biographie. Une très grande idée, car les livres d'Herbart sont des pépites, des joyaux.
Pierre Herbart est né à Dunkerque en mai 1903, c'est un fils illégitime, un bâtard dirait ceux dont on écoute les conversations. Sa famille est aisée, son grand-père a été directeur des chantiers navals, de la chambre de commerce, des chemins de fer du Nord et armateur, mais très vite la famille est plongée dans l'inconfort matériel car le père a décidé de se faire "clochard". Tout simplement. Cela marquera durablement Herbart qui voit en lui un homme capable d'exercer sa liberté d'une façon absolument délirante.
A 17 ans, il décroche un emploi à Paris, puis part au Maroc, dans les troupes de Lyautey, il s'enfonce au Sénégal, au Mali au Niger et son retour rencontre Jean Cocteau avec lequel il a deux points communs, les pipes d'opium et l'amour des garçons. Mais voilà, il rencontre André Gide, qui le pique à Cocteau. André Gide est dingue de lui, croit voir la réincarnation, ou l'incarnation, du personnage de Lafcadio, son personnage de jeune homme sans morale des Caves du Vatican. A son sujet Gide a un mot très fort : "il est capable de tout !" Il part en reportage, il part en Indochine, dénonce le colonialisme, mais surtout devient communiste et dirigera même la revue Littérature internationale à Moscou.
C'est Herbart qui va décider Gide à s'engager pour la cause communiste, jusqu'à son fameux voyage en URSS où Gide dénonce ce qu'il voit et fait prendre à Herbart la mesure de son erreur. Là il comprend qu'il est devenu gênant en URSS et devra la quitter en laissant derrière lui un garçon aimé de 20 ans dont la mère lui avait dit "Soyez heureux, mais aussi soyez prudents. Ce n'est pas très bien vu ici de fréquenter des étrangers ". Une trahison qui le hantera toute sa vie et qu'il évoquera dans La Ligne de Force. Pourtant, rien d'un lâche, ce Pierre Herbart, qui pendant la guerre s'engage dans la Résistance, devient Délégué général de Bretagne sous l'identité de " Général le Vigan ", et libère la ville de Rennes. Rennes où il accueille De Gaulle le 4 août 44.
Il a payé le prix fort, de cet engagement dans le désengagement, de cette marginalité souhaitée, car son œuvre a été totalement oubliée avant d'être, aujourd'hui, totalement réhabilitée, et même "culte", disons le.
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Pierre Herbart, l'orgueil du dépouillement* , de Jean-Luc Moreau, chez Grasset](http://www.grasset.fr/Grasset/CtlPrincipal?controlerCode=CtlCatalogue&requestCode=afficherArticle&codeArticle=9782246739814&ligneArticle=0), Grasset qui réédite d'ailleurs en Cahiers rouges, ses Histoires confidentielles.
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