"Armaggedon Time" : James Gray, la poésie de l'intime
Lorrain Sénéchal évoque les sorties cinéma de la semaine avec Thierry Fiorile et Matteu Maestracci : "Armaggedon Time" de James Gray et "Pacifiction" d'Albert Serra.
Près de 30 ans après Little Odessa, trois ans après son magnifique space opera, Ad Astra, James Gray revient creuser son sillon : le poids du passé, celui de sa famille ashkénaze aux États-Unis, les rapports père-fils, le déterminisme social et ethnique, dans un cinéma au classicisme assumé, et sans cesse renouvelé.
Début des années 80, dans le Queens à NYC, son quartier, dans une famille juive venue d'Ukraine, clairement la sienne, un jeune ado, Paul, son alter ego, fait des bêtises de son âge avec son ami noir, dans une école publique.
Mais obsédés par le désir de réussite de leurs enfants, ses parents et grands-parents le mettent dans une école privée financée par la famille Trump. Ronald Reagan vient d'être élu président, l'Amérique est à un tournant, même si on ne le sait pas encore, et cette version du rêve américain est cruelle, James Gray regarde son enfance sans concession, avec le poids des années passées.
Pacifiction d'Albert Serra
Un film qui doit se voir et surtout se vivre, plus qu'il ne se raconte, il est d'ailleurs difficile à résumer. Nous sommes à Tahiti, de nos jours, où une rumeur circule sur une possible reprise des essais nucléaires, stoppés en 1996, et on suit dans ses pérégrinations un haut-commissaire d'Etat, qui va au contact de la population notable aux faux airs de mafieux, à la fois paternaliste et menteur, attachant et sincère. Pour l'incarner, un Benoît Magimel omniprésent, qui bouffe l'écran, costume blanc et lunettes fumées bleues, pas vraiment d'histoire ni d'intrigue, de longs monologues dictés par une oreillette.
Film déroutant, souvent fascinant, très beau picturalement parlant, parfois aussi on se demande un peu ce qu'on fait là, mais à voir ne serait-ce que pour la performance de l'acteur français, en état de grâce depuis quelques mois. Précision : ça dure 2h45, selon votre humeur ou appréciation du film, ça peut paraître long ou passer vite.
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