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Les infox de l'Histoire : "La rumeur d'Orléans, une légende urbaine en 1969"

La rumeur d'enlèvement à Orléans de jeunes filles destinées soi-disant à un trafic de blanches est devenue un cas d'école quand Edgar Morin s'y est rendu pour comprendre et expliquer pourquoi et comment se répandent les rumeurs encore aujourd'hui. Avec Pascal Froissart, enseignant-chercheur en communication et directeur du CELSA.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Braderie rue de Bourgogne, à Orléans, en juillet 1968. (REPRODUCTION ARCHIVES ERIC MALOT/ LA RÉPUBLIQUE DU CENTRE/PHOTOPQR/MAXPPP)

On ne saura jamais qui a lancé la rumeur délirante qui pendant deux mois a circulé à Orléans et dans sa région il y a plus de 50 ans. Et on en parlerait plus aujourd'hui si Edgar Morin, qui s'était rendu sur place, n'en avait fait un cas d'école pour les journalistes et les sociologues. Comment, où et pourquoi se propage une rumeur ? D'où vient elle ? S'agit il d'une cabale ou d'un canular ? Et comment s'éteint ce qu'on appelle aujourd'hui une légende urbaine comme celle qui, de bouche à oreille, s'est répandue parmi les jeunes lycéens et étudiants d'Orléans à la fin du mois de mai 1969. Une rumeur sur laquelle Patrice Gélinet revient aux côtés de Pascal Froissart, enseignant-chercheur en communication et directeur du CELSA.

Patrice Gélinet : Dans son enquête, Edgar Morin rappelle le rôle qu'a pu jouer la littérature populaire. Il cite d'abord l'ouvrage d'un journaliste anglais, Stephen Barclay L'esclavage sexuel, une compilation de faits divers à connotation érotico sexuelle, et aussi un magazine noir et blanc dont un récit justement racontait ce qui s'est passé ultérieurement à Orléans. 

Pascal Froissart : Exactement. Le scénario de la rumeur d'Orléans, c'est un scénario qui existe dans plein d'autres villes et qui a circulé énormément, mais on lui a collé ce nom "rumeur d'Orléans" justement grâce à ce bouquin d'Edgar Morin. C'est pour ça qu'il a de l'importance dans l'histoire. En tout cas, le scénario, lui, court depuis très longtemps. Il court dans la littérature populaire (...) On a on a le scénario, c'est-à-dire un enlèvement d'une jeune fille dans une cabine d'essayage et un mari affolé qui découvre le pot aux roses finalement, en rentrant dans la boutique pour pour découvrir sa femme ou sa fiancée qui était ligotée et droguée.

Et destinée à la traite des blanches. Et là, c'est quelque chose qu'on retrouve dans beaucoup de rumeurs. 

Alors le thème de la traite des blanches est tout à fait central dans la rumeur d'Orléans. On va découvrir ensuite qu'il y a un thème antisémite qui s'est greffé à celui-là, mais en tout cas au tout début, précisément dans les ouvrages que vous avez cités, c'est un élément important. C'est-à dire-en gros, la traite des blanches, c'est à la fois l'élément de la colonisation du 19ᵉ siècle qui se met en place, mais aussi l'espèce de peur qu'il y ait une "contamination" finalement sur les gens en métropole par des "sangs impurs". Et donc là, il y a bien un thème racial qui apparaît déjà dans le scénario avant même que le thème antisémite se greffe et vienne vraiment perturber.


Avec "Les infox de l’Histoire", la troisième saison du podcast de la Fondation Descartes en partenariat avec franceinfo, voyagez à travers les époques au cœur des grands épisodes de désinformation. Patrice Gélinet et ses invités exposent et analysent les infox qui ont défrayé la chronique de l’antiquité à nos jours. Complotisme, désinformation, rumeurs, calomnies, emballements médiatiques… Une troisième saison de huit épisodes pour décrypter les mensonges de l’Histoire.


Producteur : Patrice Gélinet
Réalisatrice : Gilles Blanchard
Documentaliste/Attachée de production : Juliette Marcaillou
Technicien : Lucas Derode

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