Carl Ludwig Long, l’athlète oublié…

Les Jeux olympiques à travers l'histoire en Europe, tout l’été. Aujourd’hui, une belle histoire d’amitié durant les jeux de Berlin, en 1936.
Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Les athlètes Luz Long et Jesse Owens en pleine conversation durant une pause dans l'épreuve du saut longueur durant les JO d'été de Berlin en 1936. Le troisième Reich n'a jamais pardonné cette amitié de l'athlète allemand avec Jesse Owens. Il a été envoyé rapidement sur le front le 4 août 36, il est décédé à 30 ans, lors du débarquement des alliés en Sicile. (DPA / PICTURE ALLIANCE / MAXPPP)

Dans notre série, "C'était les Jeux Olympiques", direction Berlin 1936, avec une belle histoire d’amitié durant les JO de 1936, sous Hitler, avec le directeur d'eurojournalist.eu, Kai Littmann. Le 4 août, Jesse Owens, l'athlète afro américain, va affronter l'athlète allemand sur l'épreuve de saut en longueur aux Jeux olympiques à Berlin, c'était Carl Ludwig Long, qu'on appelait généralement Luz Long.

franceinfo : Une grande amitié va naître entre les deux athlètes et ça va être l'événement non-dit de ces Jeux olympiques, les Jeux olympiques du nazisme...

Kai Littmann : Oui, le 4 août 36, même Adolf Hitler s'était déplacé au Stade olympique de Berlin, Luz Long était le grand favori du saut en longueur. Il avait battu le record olympique lors des qualifications, et le Führer s'attendait à la médaille d'or pour l'Allemagne nazie. Il n'en fut rien. C'est Jesse Owens qui a gagné la compétition, au grand dam d'Hitler qui a quitté le stade de manière un peu précipitée, pour éviter de devoir serrer la main à Jesse Owens.  

Il avait quitté le stade pour la deuxième fois parce que quand Jesse Owens avait gagné justement la course, il était aussi parti ?

Oui. En revanche, il faut se rappeler que la population berlinoise adorait Jesse Owens. Dès qu'il sortait du village olympique, les gens dans la rue l'acclamaient et il était vraiment le chouchou des Berlinois. Et par hasard, il s'est lié d'une grande amitié avec Luz Long.  

Luz Long, c'est vraiment le prototype germanique de cette époque, un grand blond, etc. Les yeux clairs, il est l'athlète qu'on a totalement oublié, parce que c'est une grande amitié qui est née avec Jesse Owens. Celui qui était allemand sous le troisième Reich, et qui sur le podium a été obligé de tendre le bras comme tout le monde...

Oui, et il n'était pas nécessairement antinazi. Il était issu d'une famille de Leipzig très aisée, qui soutenait le système des nazis. En revanche, il était avant tout et surtout un sportif. Et avec Jesse Owens, ils ont créé une anecdote qui voulait qu'après avoir mordu les deux premiers essais, Luz Long était allé voir Jesse Owens, pour lui dire de corriger sa course d'élan, pour le dernier saut, pour pouvoir continuer la compétition.

Jesse Owens l'aurait fait et il a remporté la médaille d'or. Mais des années plus tard, des décennies plus tard, en 1981, peu avant sa mort, Jesse Owens avait avoué que cette anecdote n'était pas tout à fait vraie, mais qu'ils l’avaient inventée tous les deux, pour qu'il puisse la raconter au fils de Luz Long, comme exemple, comme quoi le sport peut dépasser les idéologies, le racisme, la haine dans le monde, même si c'est anecdotique, c'est quand même une très belle histoire.  

Luz Long, le troisième Reich ne lui a jamais pardonné cette amitié avec Jesse Owens ? 

Il n'avait plus du tout les faveurs des nazis… Après cet incident, le 4 août 36, il était appelé relativement tôt sous les drapeaux, et malheureusement, il est décédé lors du débarquement des Alliés en Sicile. Il a été blessé mortellement, le premier jour de ce débarquement. Il est aujourd'hui toujours enterré en Italie et effectivement, on ne lui a pas fait de cadeau, et on ne lui a jamais pardonné cette amitié avec Jesse Owens.  

Est-ce qu'aujourd'hui, en Allemagne, Luz Long est un personnage dont on parle ?

Non. Il est plus ou moins tombé dans les oubliettes. En 1936, on est quasiment à 90 années de cet événement. Et il faut également dire que les Allemands n'aiment plus tellement parler de ces Jeux olympiques de 36, qui étaient un pur show de propagande des nazis, et qui aujourd'hui est perçu comme quelque chose dont on n'a pas envie de parler.  

On aurait pu imaginer un stade Luz Long quand même… 

Je ne sais même pas si cela existe. Effectivement, c'est une bonne question parce que les quelques personnes qui se souviennent de Luz Long le tiennent très haut en estime, et effectivement, ce serait une belle idée de nommer un stade au nom de ce héros du sport allemand.  

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