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Micro européen. Où va la Pologne ?

Focus sur la Pologne aujourd'hui avec le décryptage de Piotr Moszynski du quotidien "Gazeta Wyborcza". Covid-19, situation difficile dans les hôpitaux, manifestations de rue contre les limitations en matière d'avortement, le gouvernement polonais adopte une posture de force. 

Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Premières neiges à Varsovie dans la vieille ville, le 10 décembre 2020. La Pologne est confrontée à de nombreux problèmes internes, notamment avec le coronavirus, mais aussi avec des réformes sociales qui ne passent pas.  (JAAP ARRIENS / NURPHOTO VIA AFP)

Il y a 30 ans, Lech Wałęsa était élu président de la Pologne. L’époque de Solidarnosc était passée et elle avait porté ses fruits. La Pologne devenait membre de l’UE, le 1er mai 2004, et tous les espoirs d’une Europe unie étaient sur la table des négociations.

Le temps a passé, les espoirs aussi

Depuis un certain temps, la Pologne montre un visage inconnu, malgré ce à quoi la période du pacte de Varsovie nous avait habitués. Aujourd’hui, la Pologne est dirigée par Andrzej Duda, président de la République et Mateusz Morawiecki, président du Conseil, soit le Premier ministre. Tous deux sont membres du parti Droit et Justice, Prawo i Sprawiedliwość, parti très conservateur de Jarosław Kaczyński.

En fait, Jarosław Kaczyński est le vrai patron de la Pologne, et toute décision prise ne se fait pas sans l’aval de Jarosław Kaczyński. Il est vrai que le temps de Bronisław Geremek, disparu dans un accident de la route, est dépassé. 40 ans après Solidarnosc, qui a osé s’opposé au communisme, la Pologne est devenue un pays où l’état de droit est mis en doute, et n’est plus le pays de Lech Walesa, du Père Popieluszko, de Karol Wojtyla, de Jean-Paul II, encore moins de Bronisław Geremek, d’Ana Prucnal, d’Andrej Wajda et d'Olga Tokarczuk, prix Nobel de littérature 2018.     

Comme l’explique notre invité, Piotr Moszynski du quotidien Gazeta Wyborcza, la pandémie de Covid-19 frappe durement la Pologne. Ce pays de plus de 37 millions d’habitants compte 1 115 201 cas de Covid confirmés, pour 22 174 décès, soit 586 par million d’habitant. Les infrastructures hospitalières sont dépassées, les personnels n’en pouvant plus, avec le risque d’attraper l’épidémie en se rendant à l’hôpital, et un gouvernement qui n’est pas à la hauteur des attentes des Polonais. C’est aussi une nation divisée par la politique menée par le parti au pouvoir, le PIS, Droit et Justice.

Réformes et affaiblissement

Le parti au pouvoir ultra- conservateur veut réduire l’accès à l’avortement, voire l’interdire. Depuis un certain temps, le gouvernement s’est attelé à une réforme de la justice, mettant en place ses partisans à des postes de magistrats, jusqu’à la Cour constitutionnelle. Les magistrats opposants sont écartés de leurs fonctions pour des motifs irréels ou infondés.

La reprise en main de ce pays par Jarosław Kaczyński depuis 2015, a montré une politique ultra-conservatrice, offrant une aide sociale abondante et structurée, mais obscurantiste sur la reconnaissance des minorités, favorisant l’action de groupes extrémistes. Quant à l’église polonaise, maillon essentiel d’une Pologne résistante au communisme, elle est aujourd’hui autant contestée que le pouvoir du PIS.

L'Église catholique était résistante

À la chute du communisme en 1989, l'Église catholique était très bien placée en Pologne, et cela était dû à son opposition au régime communiste. Mais aujourd’hui, les Polonais sont de plus en plus nombreux à se déclarer apostats, soit reniant la foi chrétienne. Ce renoncement par voie écrite auprès de son diocèse a eu naguère comme déclenchement une décision du Tribunal constitutionnel s’opposant à l’avortement, entre autres. Le groupe "Apostasie 2020" compte aujourd’hui plus de 10.000 membres étant passés à l’acte.

Le pays est secoué aussi par une vague de protestations, car l’Église polonaise s’est aussi ingérée dans la sphère publique en s’opposant à la loi sur  l’avortement ou sanctionnant des cours d’éducation religieuse dans le système d’éducation, des cours obscurantistes, autant sur la sexualité que sur les homosexuels. Ainsi, de nombreux Polonais et Polonaises s’opposent autant au gouvernement du PIS qu’à la puissante église polonaise.

Il faut dire aussi que les cas de pédophilie dans l’église, couverts par l’église, ont interpellé la population. Enfin, le rapprochement entre l’église et le parti au pouvoir a été aussi un élément de rejet, voire aussi un début de contestation dans la communauté des fidèles, laïcs ou prêtres, qui s’opposent ouvertement à une église trop proche de Jarosław Kaczyński. Et la contestation s’amplifie en Pologne, y compris dans les campagnes.

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