Poutine, l’Ukraine, les faces cachées…
L’ancien diplomate et écrivain russe Vladimir Fédorovski est l’invité du "Micro européen" pour la sortie de son nouveau livre "Poutine, l’Ukraine, les faces cachées", à paraître aux éditions Balland le 24 mars.
Dans son nouvel ouvrage, Poutine, l’Ukraine, les faces cachées, à paraître chez Balland le 24 mars prochain, l’historien et écrivain russe d'origine russo-ukrainienne Vladimir Fédorovski nous livre des clés pour comprendre l’actualité de cette nouvelle guerre sur le continent européen, la personnalité du président russe et ce que représentent aujourd’hui l’Ukraine et la Russie.
Selon l'ancien diplomate, il faut bien savoir analyser l’Histoire, et raisonner des conséquences passées d’une actualité que l’on croyait révolue. Comme quoi, rien n’est jamais acquis.
"Les Occidentaux ont refusé d’associer la Russie au monde libre."
Vladimir Fédorovskià franceinfo
Quand l’URSS s’est effondrée, n’était-il pas temps pour les Européens d’associer les Russes à une œuvre commune en les aidant à se reconstruire ? Vladimir Fédorovski estime qu'on a "marginalisé la Russie, on l’a humiliée même, et on le paie très cher aujourd’hui…" Il est vrai qu’il eut été plus simple pour l’Union européenne de l’époque "d’aller vers la Russie", au lieu de la laisser sombrer dans une grave crise économique qui a précipité une partie de la population russe dans une extrême pauvreté lors de l’ère Eltsine. "L’opinion publique russe reste encore persuadée aujourd’hui que l’Occident ne voulait pas tuer le communisme, mais la Russie", estime notre invité. Il est vrai que l’Europe a eu trop souvent la mémoire courte.
La Grande Guerre patriotique
Le 9 mai est une fête nationale en Russie (le Jour de la victoire, ou День Победы), elle est célébrée et commémorée à la mémoire des combattants militaires et civils qui ont opposé une résistance héroïque à l’envahisseur allemand, engagé sur des milliers de kilomètres sur le front russe, du 22 juin 1941 au début de 1944. Cette guerre, appelée en Russie la Grande Guerre patriotique (Великая Отечественная война), a coûté à la Russie de 27 à 30 millions de morts, militaires et civils. Sans oublier le siège de Leningrad (actuelle Saint-Pétersbourg) de près de 900 jours, où la ville fut encerclée par la Wehrmacht.
Ce siège a duré du 8 septembre 1941 au 27 janvier 1944, avec 1 800 000 victimes russes. C’est parce que 153 à 201 divisions allemandes (une division est comprise entre 10 000 et 30 000 hommes) furent bloquées par le front russe, que les débarquements alliés purent avoir lieu en Sicile, Normandie et Provence. Or, le 9 mai 2015, lors de la commémoration des 70 ans de la victoire de l’Union soviétique sur l’Allemagne nazie, aucun chef d’état ou de gouvernement européen ne s’était déplacé à Moscou. Aucun hommage européen ne fut rendu aux combattants russes. L’affront n’a pas été oublié. Par leur absence, les Européens entendaient signifier leur condamnation de l'annexion de la Crimée et de l'engagement russe dans la guerre du Donbass, en Ukraine.
"A l’époque de Gorbatchev, 80% des Russes étaient pro-occidentaux ; aujourd’hui, c’est à peine 10 à 15%."
Vladimir Fédorovskià franceinfo
Selon notre invité, "Poutine renforce l’Otan et pour l’instant, l’Otan renforce Poutine". La guerre en Ukraine, aussi odieuse soit-elle, fait dire à Vladimir Fédorovski : "Nous sommes entrés dans le monde de tous les dangers : bloc contre bloc, avec la perspective d’une alliance anti-occidentale entre la Russie et la Chine et éventuellement l’Iran."
Il est vrai que tous les dangers sont à nos portes, et si nous sommes souvent victimes d’une guerre de l’information, ce conflit trouve aussi sa source dans l’inquiétude qui a prévalu dans les cercles du pouvoir russe, face à l’expansion de l’Otan, et ce, jusqu’aux frontières de la Russie. Ne faut-il pas regretter l’absence de dialogue entre l’Europe et la Russie ? Aujourd’hui, la situation à laquelle l’Europe doit faire face, y compris les sanctions contre la Russie, marque peut-être un tournant dans l’histoire de l’UE.
Sanctions et "Maskirovka"
Face au drame humain de cette guerre, les réfugiés, les morts et les blessés, les enfants qui comme tous les enfants sont marqués par la guerre, nous sommes peut-être entrés dans une nouvelle dimension du continent européen comme l’a dit Vladimir Fedorovski. Pour notre invité, "les sanctions seront gigantesques pour l’Europe et n’auront pas l’effet escompté pour les Russes".
Pouvons-nous en déduire que les sanctions de l’Europe et des États-Unis à l’encontre de la Russie se traduiront pour les Européens par une hausse des prix, surtout dans l’alimentation puisque la hausse des carburants impactera le coût du transport ?
Ces sanctions pourraient-elles aussi faire craindre un risque de pénurie dans certains secteurs, et seraient-elles aussi un motif de rétorsion, côté russe par la Maskirovka (Маскировка) ? Cette doctrine militaire russe est une technique de désinformation de l’ennemi, Maskirovka signifie aussi camouflage, qui se comprend par obtenir l’attention de l’autre sur un point donné, alors que l’on va opérer une action sur un autre point.
Ainsi certains secteurs sensibles occidentaux pourraient-ils être mis à mal par la Russie en déstabilisant notre quotidien par des actions russes menées par exemple sur les câbles sous-marins. Car 90 % des communications mondiales passent par le câble sous-marin et non par satellite.
Or, l’effet des sanctions ne s’est pas fait attendre dans le monde spatial. Le départ des spécialistes russes de la base de Kourou en Guyane, qui possède deux pas de tir, l’un pour la fusée Ariane et l’autre pour la fusée Soyouz, va retarder le lancement de satellites européens en attendant la venue d’Ariane 6, soit, pas avant 2023.
Quant à la russophobie ambiante, Vladimir Fédorovski fait remarquer qu’il est temps de savoir faire la différence entre Vladimir Poutine et le peuple russe. Puisse la diplomatie apporter une désescalade prompte de ce conflit qui nous concerne tous et toutes.
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