Sahra Wagenknecht : l’autre visage de la politique allemande
Sahra Wagenknecht est apparue dans les années 90. Elle venait du Parti communiste d'Allemagne de l'Est. Elle a rejoint Die Linke, ce parti d'extrême gauche d’Allemagne de l'Ouest. Son mari est le célèbre Oskar Lafontaine qui maintenant a décroché de la politique allemande. Sahra Wagenknecht fait son entrée au Parlement européen. Décryptage avec le journaliste Kai Littmann, le directeur du site eurojournalist.eu.
franceinfo : Sahra Wagenknecht a créé son propre parti, le BSW, le Bundesrat Sahra Wagenknecht, c'est-à-dire l'Alliance Sahra Wagenknecht, un parti politique qui porte le nom de sa dirigeante...
Kai Littmann : Oui, c'est tout à fait rare qu'un parti soit nommé d'après le nom de son fondateur ou sa fondatrice. Sahra Wagenknecht est un pur produit de l'ex R.D.A. Née en 1969 à Iéna en R.D.A, elle a rejoint très tôt la Jeunesse libre, qui était l'organisation de jeunesse du SED, du parti unique. Après la chute du Mur, elle a fait tous ces changements qu'a fait le parti, SED devenu PDS, ensuite WSAG, ensuite, Die Linke.
Donc elle a fait tout ce cursus, et au mois de novembre dernier, elle avait annoncé vouloir quitter Die Linke. Elle a gardé son mandat au Bundestag, elle a été suivie par une dizaine de députés, ce qui a fait que Die Linke a perdu son statut de groupe politique au Bundestag, au Parlement allemand et au mois de janvier, elle a créé ce fameux Bundes Sahra Wagenknecht qui va maintenant participer à l'élection européenne, et qui a définitivement le vent en poupe.
Le vent en poupe, avec une ligne politique qui étonne tout le monde quand même ?
Oui, parce que c'est un mélange tout à fait explosif, entre des positions d'extrême, extrême gauche et en même temps, sur certains sujets, elle défend des positions qui sont carrément compatibles avec l'extrême droite AFD. Et ce mélange-là se retrouve dans le programme pour les Européennes. On a du mal à vraiment la situer sur l'échiquier politique et pourtant, dans les sondages, elle va de succès en succès.
Elle n'est pas atlantiste, elle est plutôt pro-russe. Concernant l'immigration, elle a une position "atypique" on va dire ?
Oui, elle demande que toutes les aides sociales soient coupées aux réfugiés dont on a refusé l'asile, mais qui sont toujours tolérés sur le territoire allemand. Elle veut créer des centres d'asile à l'extérieur de l'Union européenne. Et ça, ce sont des positions qui peuvent être applaudies par l’AFD, mais pas vraiment par des partis de gauche.
Et concernant l'Ukraine, elle a aussi des convictions ?
Elle demande que les fournitures d'armes et d'argent à l'Ukraine soient désormais couplées à l'obligation d'entamer des négociations. Pas de négociations, plus d'armes, plus d'argent. Et elle n'a jamais caché son souhait de revoir les relations avec la Russie se raviver, d'intensifier les échanges commerciaux avec la Russie, surtout en matière d'énergie. C'est une position qui n'est défendue par aucun autre parti en Allemagne.
Et au niveau européen ?
Alors au niveau européen, là, on retrouve un peu le côté gauche du Bundes Sahra Wagenknecht. Elle veut mettre en œuvre un salaire minimum de 14 euros de l’heure à travers toute l’Europe, ce qui semble impossible à mettre en œuvre en vue des différences salariales entre les différents pays européens. Elle veut aussi renforcer la subsidiarité au niveau européen, en disant que ce qui peut être réglé au niveau local, national doit être réglé au niveau local, national. Il faut que l'Europe arrête de s'immiscer dans tous les dossiers qui concernent les Européens.
Les prévisions pour les élections européennes concernant Sahra Wagenknecht ?
Actuellement dans les sondages, elle est donnée entre 5 et 7% pour les européennes. Donc elle enverra entre sept et neuf députés dans le nouveau Parlement.
Pour l'Allemagne, on avait parlé de ce parti, on va dire entre guillemets, turc, le DAVA qui va entrer au Parlement européen, il y a l'AFD, l'extrême droite allemande, maintenant c'est Sahra Wagenknecht. Mais que vont faire les autres ?
Ça va être un peu la pagaille, parce que l'Allemagne n'a pas de seuil de 5% pour l'élection européenne. Donc dans certaines circonscriptions, il suffit d'avoir 60 ou 70.000 votes pour avoir un siège au Parlement européen. Il y a 35 partis qui ont été autorisés à participer aux européennes. Parmi ces 35 partis, il y a une bonne vingtaine qui a une réelle chance d'envoyer au moins un eurodéputé à Strasbourg.
Le BSW risque même de faire partie des partis qui envoient le plus de députés dans le nouveau Parlement européen. Et ça, effectivement, on n'a jamais vu ça qu’un parti trois mois après sa création, connaisse déjà un tel succès au niveau électoral…
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