Le Tribunal de commerce de Paris mise sur l'intelligence artificielle pour améliorer le traitement des litiges

Pour préparer des procédures standardisées et répétitives, le recours à l'IA permettrait de diviser par six le temps de production des documents soumis à l'examen des juges consulaires.
Article rédigé par Nicolas Arpagian
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
L'utilisation de l'intelligence artificielle dans le champ législatif. Le Tribunal de commerce de Paris, en manque de magistrats, pour traiter les dossiers, vient de désigner un magistrat consulaire référent en matière d’Intelligence Artificielle. (Illustration) (CEMILE BINGOL / DIGITAL VISION VECTORS / GETTY IMAGES)

L’administration de la Justice se fonde sur la lecture et la synthèse de nombreux documents. Dont certains ont une mise en forme standardisée. Et alors que le nombre de procédures augmente, on déplore le manque de magistrats pour traiter dans des délais raisonnables l’ensemble des dossiers qui leur sont soumis.

Fort de ces constats, le nouveau Président du Tribunal de commerce de Paris, élu en janvier 2024, Patrick Sayer, a désigné un magistrat consulaire référent en matière d’intelligence artificielle.

Pour rappeler les chiffres, le Tribunal de commerce de Paris ce sont 180 juges élus, qui doivent chacun instruire dans l’année une soixantaine de dossiers, et participer au jugement de presque 200 affaires. Parmi elles, on recense nombre de procédures récurrentes comme par exemple, les cas où des entreprises ont disparu en laissant un solde débiteur à la banque. Ou des sociétés défaillantes pour rembourser leur prêt garanti par l’Etat (PGE).

L'intelligence artificielle générative pour synthétiser les éléments de la procédure

L’initiative du Tribunal de Commerce de Paris a débuté par un entraînement de ChatGPT 4 en version privée, avec des jeux de données anonymisées (noms, adresses, marques, numéros de SIRET etc..) : les éléments de la procédure (conclusions du demandeur et du défendeur, les bordereaux des pièces fournis par le demandeur et le défendeur) ainsi que plusieurs jugements déjà prononcés par le Tribunal sur le même sujet.

Le but est de disposer de prérapports comportant les éléments requis. C’est particulièrement utile dans le cas de dossiers répétitifs. Comme par exemple lorsqu’une société de location financière enclenche 200 procédures pour défaut de paiement de ses clients. Avec en plus des injonctions de payer de quelques centaines d’euros à chaque fois. Cela contribue à l’encombrement des greffes, dès lors qu’il faut traiter administrativement ces dossiers.

Une tâche de lecture et de synthèse de documents numérisés, parfaitement dans les cordes de l’IA générative.

Ouverture d'une chambre du Tribunal assistée par l'IA

Après les phases de tests conduits au cours de l’année 2024, le Tribunal de Commerce de Paris va ouvrir fin décembre 2024/début 2025 une instance dédiée : la "Chambre d’amélioration du traitement des litiges".

Les algorithmes qui y seront utilisés seront calibrés pour ne surtout pas être créatifs, et toujours indiquer quand ils ne savent pas répondre à la question posée. Ils sont cantonnés au rôle d’assistant rédactionnel. Pour ce travail, les essais conduits jusqu’à présent montrent un rapport de 6 à 1 dans le temps pris à l’écriture des prérapports.

Et il y aura toujours une supervision humaine pour veiller à la qualité de la base documentaire qui nourrira cette intelligence artificielle : par exemple, en retirant des jurisprudences obsolètes ou en en insérant de nouvelles.

Pas question de confier un jugement à l'IA

Il s’agit seulement de produire des résumés des faits, d’aller chercher dans une liasse de documents des informations clairement identifiées pour, par exemple, prérédiger des actes simples. Comme des injonctions de payer qui seront transmises à un huissier, avec des informations explicites tels le nom du débiteur, ses coordonnées, un montant et des références de dossier.

En 2023, le Tribunal de commerce de Paris a géré 20.000 procédures de ce type. L’automatisation permettrait d’accélérer leur traitement. Et donc de libérer du temps au personnel du greffe pour des tâches plus élaborées.

Le jugement doit ici rester le privilège exclusif des juges consulaires. Pas question donc de prévoir des jugements mécanisés prononcés par l’intelligence artificielle.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.