Maison connectée : “matter“, le standard unique, enfin !
Fini le casse-tête de la non compatibilité entre les différentes marques de domotique : des GAFA jusqu’aux électriciens, tous les acteurs de l’industrie ont adopté “matter“, un standard commun, lancé cette semaine à Amsterdam.
Vous rêvez d’une maison intelligente, qui économise l’énergie en vous évitant des efforts inutiles ? La domotique a enfin son standard universel. Il s’appelle “matter“ et il a été lancé mondialement, jeudi à Amsterdam, un mois après la publication de ses premières spécifications.
“matter“, avec un “m“ minuscule aurait mérité que son orthographe démarre par une majuscule, parce c’est le standard dont rêvait, depuis 20 ans, toute l’industrie et les consommateurs, avec un seul mot d’ordre : l’interopérabilité. “matter“, c’est le nouveau langage unique, compris par toutes les marques et bientôt tous les appareils connectés.
Jusqu’à maintenant, la domotique était une jungle, un casse-tête pour ne pas dire un cauchemar. Chaque constructeur avait développé son éco-système, incompatible avec celui des concurrents. Et l’arrivée de Google, Amazon et Apple n’a rien arrangé, au contraire puisque Google Home, Alexa (Amazon) et HomeKit (Apple) ont ajouté une couche de complexité en ne se comprenant pas entre eux.
Choisir l’un de ces éco-systèmes obligeait à écarter les produits et appareils compatibles uniquement avec les autres. Et pour les fabricants, cela imposait de multiplier les développements spécifiques à chacun, d’où des coûts plus élevés et des délais plus longs, sans parler de l'accumulation des logos sur les boites des produits.
"matter est un événement sans précédent pour la maison connectée."
Bruno Vulcano, président de l'alliance CSAà france info
Au départ – depuis 20 ans – existait la Zigbee Alliance, du nom de ce protocole domotique dont les premières spécifications avaient été ratifiées en 2004. Zigbee a servi de base à l’élaboration de matter. Et puis, arrive le 18 décembre 2019. Une semaine avant Noël, Apple et Google annoncent rejoindre à leur tour – tout comme Amazon – le groupe de travail sur la définition de ce standard qui s’est d’abord appelé CHIP (Connected Home over IP) avant de devenir “matter“. Le 11 mai 2021, l'alliance CSA succède à la Zigbee Alliance.
Imaginez le tour de force qui consiste à réunir ces trois géants, et plusieurs centaines d'entreprises aux cultures radicalement opposées : des GAFA (sans Facebook) aux électriciens (Legrand, Schneider Electric et même EDF), des installateurs du BTP aux fabricants de composants (STMicroelectronics, Texas Instruments, Silicon Labs, Nordic Semiconductor, etc), des opérateurs télécom (dont Orange) jusqu'à... IKEA .
Ce standard commun, le président de l’alliance CSA (Connectivity Standards Alliance), Bruno Vulcano, en rêvait. Et il reconnaît qu’il était temps : “Honnêtement, pour le grand public, ce n’était pas simple. Nous nous sommes réunis autour d’une table, avons mis des ingénieurs, pendant 3 ans, pour travailler, rédiger les spécifications, et faire de ceci une réalité. Et c’est sans précédent dans l’industrie, en fait. C’est la première fois que nous réussissons à réunir les GAFA - déjà les GAFA entre elles - et les fabricants d’objets comme nous (NDLR : Bruno Vulcano est, par ailleurs, responsable de la Recherche & Développement chez Legrand sur l’infrastructure digitale du batiment). Et donc, c’est sans prédécent et c’est pour le bénéfice de la communauté.“
Un gâteau plus gros et une compatibilité absolue
Bruno Vulcano a insisté pour que ce lancement mondial de “matter“ ait lieu en Europe, et à Amsterdam en particulier : “Il était important de dire que ce n'est pas une technologie américaine, même si l'alliance est de droit américain. Nos membres se répartissent à égalité entre l'Europe, les États-Unis et l'Asie-Pacifique. Et puis, ZigBee a aussi été créé en Europe, et plus particulièrement aux Pays-Bas. Et donc, symboliquement, c'était important d'être ici, à Amsterdam“. Pour autant, l'enjeu étant mondial, un lancement régional devait avoir lieu, le lendemain, en Chine.
“matter“ répond à deux objectifs : Du côté des industriels, le but, c’est de faire grossir le gâteau. Pour qu’ils acceptent tous de partager, c’était la condition. Pour le consommateur, l’intérêt, c’est qu’il va enfin pouvoir inventer sa maison connectée sans se poser 50 questions en terme de compatibilité, et sans s’arracher les cheveux, un peu comme quand on achète des écouteurs ou un casque sans fil.
C’est l’analogie utilisée par Florian Deleuil, directeur marketing de la maison connectée chez Legrand-Netatmo : “Quand il veut acheter un casque audio, le grand public, le consommateur va chercher le symbole Bluetooth. Demain, pour sa maison connectée, matter, ce sera pareil. Si on cherche un objet pour sa maison, on voudra le logo matter.”
Une fois l'achat effectué, Bruno Vulcano, le président de l'alliance CSA, insiste sur la simplicité d'installation et de mise en route : “Dans notre jargon, on utilise souvent cette expression tirée de l'anglais : 'my mom can do it', autrement dit 'même ma mère y arrive !" Il promet que “matter“ va mettre la maison connectée à la portée du très grand public.
"matter va tout changer. La domotique va enfin devenir une industrie de masse."
Jérôme Gackel, CEO de Eve Systemsà france info
Les tout premiers produits estampillés “matter“ sont annoncés pour Noël : ampoules connectées, prises intelligentes avant les stores électriques, par exemple. En Europe, plus d’un foyer sur trois prévoit déjà de s’équiper dans l’année et ce n’est qu’un début : “matter“ est un standard évolutif qui ajoutera de nouvelles catégories de produits, tous les six mois.
Prochains sur la liste : les aspirateurs robots et les caméras de vidéosurveillance personnelles. Selon l’alliance CSA, la transition vers la totalité des catégories de produits qu’on connaît aujourd’hui, jusqu’aux appareils médicaux, devrait prendre cinq à six ans, tout en sachant que de nouvelles catégories apparaîtront d’ici là, d’où ce besoin de mises à jour régulières, avec des versions 2, 3, 4, 5, etc… de “matter“.
Les mises à jour “matter“ arrivent
Quant aux objets connectés et aux installations existantes : pas d'inquiétude. Des mises à jour logicielles leur permettront, dans les prochains mois, de devenir compatibles avec “matter“ qui les rendra, à son tour, compatibles avec tous les éco-systèmes existants.
Ainsi, Eve Systems, la marque allemande d'objets connectés qui avait misé uniquement sur Apple HomeKit par choix, pour des questions de sécurité, annonce la disponibilité de ses mises à jour “matter“ pour le 12 décembre. Elles concerneront trois premiers produits Eve : sa prise connectée, son détecteur d'ouverture de porte et son détecteur de mouvement. Une très bonne affaire pour l'entreprise puisque, limitée à un seul écosystème, la marque va désormais aussi fonctionner avec tous les concurrents d'Apple, dont Amazon et Google.
Jérôme Gackel, le patron de Eve Systems, a les yeux qui brillent quand il en parle : “matter va tout changer. La domotique va enfin devenir une industrie de masse. Tout le monde va en vouloir pour sa maison. Nous prévoyons une très forte croissance à partir de 2023".
Précisons enfin que "matter" peut s'appuyer sur trois types de réseau : le réseau câblé Ethernet, le réseau WiFi que nous connaissons tous mais qui n'est pas idéal pour la communication entre objets connectés, et un nouveau type de réseau baptisé "Thread", conçu ad hoc, et que les Box des opérateurs pourraient bientôt intégrer.
"Thread“ est également couvé par l'alliance CSA dans la mesure où il représente le meilleur avenir de “matter“. Certains appareils permettent déjà de déployer un réseau “Thread“ chez soi, en plus de leur usage premier : deux appareils Google Nest, plusieurs produits Eve mais aussi l'enceinte Homepod mini d'Apple et certains modèles récents d'Apple TV, le boitier multimédia de la marque à la pomme.
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